KikouBlog de Le Lutin d'Ecouves - Mars 2011
Le Lutin d'Ecouves

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Archives Mars 2011

NAGUÈRE, DES ÉCOLES - ÉPISODE 4

Par Le Lutin d'Ecouves - 30-03-2011 12:30:24 - 7 commentaires

 

Classe unique
 
 
 

Les premières années, vous prenez ce qu’on vous donne. C’est comme ça que je me suis retrouvé en classe unique pendant un an dans un des coins les plus jolis de la forêt d’Ecouves.
 

Joli et préservé. Préservé du temps, semble-t-il, car l’école n'avait pas l'air d'avoir changé depuis 1880 : un bâtiment unique abritant la mairie et l’école, pourvu d’une entrée nord et d’une entrée sud, chacune débouchant sur deux cours : la cour des garçons et la cour des filles. 
 
En effet, si l’enseignement avait toujours été mixte pour cause d’effectif réduit, les sexes étaient anciennement séparés au moment des récrés, certainement à cause du passage aux toilettes. 
 
Seule la plus grande des cours, devenue mixte, servait encore et avait gardé ses toilettes visiblement datant des années 50… au mieux. Un broc situé sous un robinet m’y interpella dès le premier jour de classe. Les enfants m’expliquèrent que c’était pour la chasse d’eau.
 
A l’intérieur, une grande salle au plafond stratosphérique, des pupitres visiblement faits localement par un menuisier certainement décédé avant l’invasion allemande et un chauffage manifestement insuffisant comme dans toute bonne école de campagne de l’époque (on est quand même en 1981).
 
Comme rangement, j’avais d’énormes armoires normandes dans lesquelles je m’attendais à trouver les ossements de Jules Ferry ou presque... Presque, en fait, car le registre matricule déniché sous une pile de paperasses remontait à 1882. C’est ainsi que je m’aperçus que l’école avait longtemps abrité de nombreux enfants de l’assistance publique de Paris employés comme esclaves dans les fermes locales.
 
Je pus constater que les enfants des fermiers  fréquentaient l’école régulièrement alors que les gamins de l’assistance la manquaient fréquemment au moment des gros travaux agricoles ou forestiers car le village, adossé à la forêt, comptait pas mal de bûcherons.
 
C’est avec un certain étonnement que je lus les commentaires de mes collègues des temps anciens sur ces enfants. Jugements plus que commentaires : « Enfant sournois… méchant… incapable d’apprendre à lire… fainéant… »
 
On était loin des fictions républicaines diffusées sur FR3 où le gamin abandonné s’en sortait grâce à la bienveillance d’un brave instituteur garant des valeurs d’une société égalitaire. Ces enseignants étaient durs. Leur monde ne devait pas être facile.
 
 
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Ah, j’avais aussi des élèves. Douze exactement : une petite en maternelle, deux CP, trois CE1, trois CE2, deux CM1, et un seul CM2 qui se vantait tout le temps d’être premier de la classe. 
 
Sur ce petit effectif, j’avais un quart de gosses de l’assistance de Paris heureusement bien traités par des nourrices professionnelles : Un pauvre petit CP chétif, manifestement conçu sous alcool ou drogue et deux frères métis dont la mère venait de mourir des suites de mauvais traitements de la part du père. On pourrait espérer commencer mieux dans la vie...
 
Ces deux gamins colorés m’avaient valu une visite de la femme du maire, ancienne institutrice, qui m’avait demandé de faire une leçon de morale et d’histoire à mes enfants sur le sujet de la restauration des vitraux de l’église (qui abritait le monument aux morts du village en son sein !). Réagissant à mon regard plutôt interrogatif, la collègue à la retraite précisa :
 
« Si je vous demande ça, c’est pour que les enfants respectent les vitraux et ne leur lancent pas de cailloux. Bien sûr, ça ne viendrait pas à l’idée de nos enfants mais vos deux rastaquouères ont besoin qu’on leur explique. »
 
Dans sa bouche, le terme était employé dans l’acception début vingtième : étranger de provenance douteuse et non rastafari comme actuellement.
 
Là, la petite dame a senti un vent froid, comme si on avait oublié de fermer la porte du congélo. Le mot vitrail ne fut évoqué cette année-là que lors de la leçon sur le pluriel des noms avec soupirail, travail, émail, corail et le formidable ail dont le pluriel épicé est aulx.
 
 
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Les enfants étaient plutôt autonomes mais le niveau était moyen. J’étais le troisième instit en trois ans et un quatrième allait suivre après moi. Cela nuisait à la continuité pédagogique de ce type de classe qui nécessitait une planification sur plusieurs années.
 
Je me souviens cependant de ma petite CP, une blonde à joues rouges, archétype de normande qui était d’une intelligence surprenante et qui apprit à lire en six mois alors que son collègue ramait comme un malheureux. 
 
Cette mignonne enfant en blouse et robe à carreaux souffrait d’une forme particulière d’épilepsie qui lui provoquait des absences tout à fait spectaculaires. La fille de CM1 était chargée de s’occuper de ces moments de crise en interceptant sa petite camarade et en l’emmenant aux toilettes. Bizarrement, une fois qu’elle avait fait pipi, l’enfant retrouvait toutes ses capacités et, comme tout épileptique, ne se souvenait de rien.
 
La famille ne se souciait pas de ce problème et la petite n’avait jamais consulté de neurologue ni passé d’électroencéphalogramme, chose que je conseillai aux parents.
 
A propos d’enfant très intelligent, il y en avait un deuxième. Le garçon du CM1 avait un niveau très supérieur à celui du CM2. Ce blondinet aux cheveux longs comprenait tout et mémorisait tout. Il avait juste une particularité gênante, il s’endormait chaque début d’après-midi pendant une petite demi-heure. Je le laissais faire.
 
J’eus, au bout d’un moment, l’explication de cette sieste quotidienne : dans sa ferme, on déjeunait au cidre. Pas du cidre de supermarché, non. Du vrai cidre de ferme tiré à la qu’nelle. Le gosse était bourré chaque midi et récupérait en classe. Cela ne nuisait pas à son intelligence mais il perdait ses cheveux.
 
J’eus beau faire une leçon sur les méfaits de l’alcool chez les enfants, je ne fus pas compris. A l’instar de la bière chez les Ch’tis, chez nous le cidre ce n’est pas de l’alcool.
 

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De cette année, j’ai le souvenir de levers de soleil sur la plaine qui, de mon promontoire semblait une mer de nuages, j’ai le souvenir de hardes de cervidés paissant dans les prés de la lisière, j’ai le souvenir d’une parenthèse hors du temps. 
 
L’année suivante, je retournai dans la plaine.
 
 

 

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LES FOLIES D'ESPAGNE 29

Par Le Lutin d'Ecouves - 27-03-2011 11:11:57 - Aucun commentaire

 

Johann Sebastian Bach

1685-1750

 

 

Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire la bio de celui qui est parfois considéré comme le plus grand compositeur de la musique occidentale.

S'il n'a pas la "stravaganza" de Vivaldi ni l'éclectisme de Telemann, Bach est pour moi comme un Arbre-Monde. Ses racines plongent dans le sol fertile de l'histoire musicale de notre continent jusqu'à la Renaissance, époque de l'explosion polyphonique. Ses branches, alimentées par ses talentueux enfants, nous emmènent vers des contrées épurées au modernisme surprenant comme ses variations Goldberg ou ses derniers canons avant-gardistes, sans parler de cet énorme opus ultimum qu'est l'Art de la Fugue qui, à mon sens, restera le sommet de l'écriture contrapuntique.

Bach, c'est cet incroyable science musicale qui fait qu'après l'écoute d'une de ses œuvres, vous vous mettez à croire que la vie a un sens et le monde un équilibre.

Mais regardez ce visage, c'est aussi le visage d'un homme qui eut vingt enfants et qui ne dédaignait pas boire une bière avec de bons amis. 

En écoutant sa musique, on peut parfois l'oublier, mais Johann Sebastian Bach était aussi un homme qui ne cherchait pas en permanence à tutoyer les cieux.

C'est ce que l'on peut percevoir dans cette joyeuse cantate des paysans dans laquelle on entend brièvement une Folia qui accompagne un air de soprano :

 

 
 
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UN JARDIN DE LUTIN

Par Le Lutin d'Ecouves - 25-03-2011 20:03:37 - 5 commentaires

 


Sous le soleil



Au niveau d'un Lutin, une jonquille est un soleil


et la renoncule une supernova.


La tulipe devient un volcan


et la pâquerette recèle de bien luxuriants mystères.


Les fleurs du muscari sont comme autant de cloches céruléennes


qui sonnent le réveil de la faune ébahie par tant de lumière.



Photos prises le 25 mars

 

A votre tour Reynald et François...

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NAGUÈRE, DES ÉCOLES - ÉPISODE 3

Par Le Lutin d'Ecouves - 22-03-2011 22:22:04 - 3 commentaires

 

Les débuts


On vous a déjà confié vingt-sept gamins six heures par jour pendant dix mois ? Moi, oui. Et je n’en menais pas large en cette première année d’enseignement…

Les stages, c’est bien, mais la responsabilité, c’est autre chose. J’étais terrifié quand j’ai pris ma première vraie classe, comme un moussaillon à qui on confie la barre et qui s’aperçoit que tout l’équipage s’est fait la malle.

La présence de ma femme, déjà professionnellement expérimentée, dans la même école et celle de collègues bien sympas n’y faisait rien. Mais qu’est-ce que j'allais bien pouvoir faire pour les occuper pendant tout ce temps ?

Pour répondre à cette angoissante question, je fis ce que je n’avais jamais fait jusqu’ici : je me mis à bosser. Comme un malade. J’en ai passé des heures dans ce préfabriqué amianté et mal chauffé à préparer le boulot et les tableaux, à corriger des milliers de fautes d’orthographe et à confectionner des stencils...

Ouarg !!! Je m’étais promis de ne plus jamais écrire ou prononcer ce mot tabou : sten… raaah ! Vade Retro !

Il s’agissait de l’ancêtre de la photocopie. On écrivait sur une feuille qui possédait un double carbone et l’on tirait ensuite l’épreuve à la machine à alcool qui, une fois sur deux, vous fusillait votre travail qui était bien sûr à recommencer. 

Des heures, je vous dis ! A cette époque, les ouvriers et employés marnaient quarante heures par semaine, les veinards ! Et rentré dans mon logement de fonction mal chauffé lui aussi, je retrouvais mon épouse et nous parlions de quoi ? Du boulot ! 

Instituteur à la campagne, c’est de l’immersion profonde. Perdu dans le milieu de l’Orne là où il y a plus de canassons et de bovins que d’habitants, je devenais un enseignant.

Roulant en Renault assurée MAIF, je me meublais CAMIF et je lisais Télérama et la Hulotte. Ne riez pas, c’est de la survie…
 
 
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Les gamins à la campagne n’étaient pas bien grimauds et plutôt obéissants. Les parents, c’était une autre paire de manches, ils nous trouvaient trop jeunes, nous ne ressemblions pas à leur anciens instituteurs costard gris et chignon strict…

Les premiers contacts avec les tribus locales furent rudes, d’autant plus que je n’avais pas pris diplomatie seconde langue en option à l’Ecole Normale. J’ai même réussi à me faire convoquer à l’Inspection à la suite d’une plainte déposée par le vétérinaire local dont j’avais les deux filles en classe et qui n’était pas satisfait de mes options pédagogiques. 

En fait, il n’était pas satisfait de se faire envoyer péter. Colossale erreur, un véto dans le pays du cheval, c’est le Bon Dieu, malheureux !

Eh bien, j’eus la surprise de voir arriver avec moi à l’Inspection un groupe de parents d’élèves que je n’avais pourtant jamais caressé dans le sens du poil et qui étaient venus spontanément me défendre face à l’administration. Ils appréciaient mon boulot et ne trouvaient rien à redire à ma pédagogie.

Cela étant dit, l’inspecteur referma le dossier de plainte et me serra la main. Incident clos. 

J’avais, en ce début de carrière, eu des accrochages parfois rudes avec ces gens mais je m’apercevais qu’ils ne m’en voulaient pas parce que, tout simplement, je m’occupais de leurs enfants.

Lors de ces premières années à la campagne, j’ai beaucoup appris… Certainement plus que mes élèves.
 
 
 Dessin Chaunu
 
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AGORA

Par Le Lutin d'Ecouves - 20-03-2011 17:09:20 - 4 commentaires

 
Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit une chronique DVD. En voici une à propos d'un personnage et d'un film qui m'ont beaucoup impressionné.
 
 
  Hypatie d'Alexandrie
(370-415)
 
 
 
Hypatie était la fille de Théon le dernier directeur du musée d'Alexandrie qui l'éduqua en la formant aux mathématiques et à la philosophie.
 
Après ses études à Athènes, elle retourna à Alexandrie pour y enseigner aux frais de l'Etat. Sa maîtrise des sciences et de la philosophie était telle qu'elle en imposait à tous ceux qui la côtoyaient.
 
Mais voilà, on est à l'époque où l'empire romain est en train de se fractionner en deux et où les empereurs ont fait alliance avec la nouvelle foi chrétienne qui est la religion montante de l'époque.
 
Entrée en conflit avec le patriarche chrétien Cyrille d'Alexandrie qui lui reprochait à la fois sa religion polythéiste et son influence sur le préfet romain Oreste, Hypatie fut capturée par les hommes de Cyrille et traînée dans une église où elle fut lapidée à mort.
 
 
Portrait romain d'Egypte
(début ère chrétienne)
 
Le film
 

Le réalisateur espagnol Alejandro Amenábar dans ce film entièrement tourné à Malte nous livre non seulement un splendide portrait d'une femme libre mais aussi un film éminemment politique dans lequel il démontre de manière magistrale comment une société pluraliste perd progressivement ses équilibres pour basculer dans le totalitarisme le plus obscurantiste.

L'actrice Rachel Weisz y campe une Hypatie plus que crédible. Une femme libre chérie par son père (Michael Lonsdale) et adulée par ses élèves.

 
 Hypatie et son père
 

En dehors de la philosophie, Hypatie a une obsession durant tout le film, c'est de comprendre et perfectionner le système cosmologique  héliocentriste d'Aristarque de Samos.

Autour d'elle gravite la haute société gréco-romaine d'Alexandrie dont Oreste, futur préfet de la province et Synesius, futur évêque de Cyrène. Ces hommes lui resteront fidèles jusqu'à ce que la contrainte du réalisme politique de l'époque les pousse au renoncement.

 

Hypatie et ses élèves
 
 
Le film décrit de manière magistrale comment une religion (le Christianisme ) autrefois minoritaire et persécutée va réussir à se développer dans une société par divers moyens allant de l'action humanitaire envers les plus pauvres à la violence la plus extrême.
 
Certaines scènes sont très impressionnantes comme  le saccage de la bibliothèque d'Alexandrie contenant des œuvres considérées comme impies puisqu'écrites par des païens ou l'expulsion des Juifs de la ville à la suite d'un massacre perpétré par les hommes de l'évêque Cyrille.
 
Hypatie, dans sa recherche de la vérité scientifique semble le dernier rempart contre une religion qui ne vit que par son Livre Sacré et qui rejette toute pensée indépendante.
 
C'est par le livre qu'elle est atteinte quand Cyrille, jaloux de son influence sur l'intelligentsia Alexandrine, va lire l'épître de Saint Paul aux Corinthiens devant les notables et les obliger à se soumettre aux Saintes Ecritures en les faisant se prosterner devant lui : 
 
1Co 11:3-Je veux cependant que vous le sachiez : le chef de tout homme, c'est le Christ ; le chef de la femme, c'est l'homme ; et le chef du Christ, c'est Dieu.
1Co 11:5-Toute femme qui prie ou prophétise le chef découvert fait affront à son chef ; c'est exactement comme si elle était tondue.
1Co 11:6-Si donc une femme ne met pas de voile, alors, qu'elle se coupe les cheveux ! Mais si c'est une honte pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou tondus, qu'elle mette un voile.
 
 
L'évêque Cyrille
 
 
Le récit ne tombe cependant pas dans la caricature anti-chrétienne puisque les Polythéistes et les Juifs sont aussi montrés en train de faire acte de violence envers les autres communautés. De plus, Synésius, devenu évêque de Cyrène soutient Hypatie jusqu'à ce que la pression politique et religieuse le fasse renoncer tout comme Oreste devenu préfet D'Alexandrie qui lâchera finalement celle qu'il aime depuis toujours pour préserver sa vie et son autorité.
 
 
 
 
Agora n'est pas seulement, comme je l'ai déjà lu, une leçon de tolérance. Il est surtout un avertissement contre le renoncement aux principes de la Raison devant la menace de ceux qui veulent gouverner par la parole de Dieu, la domination des femmes et la lapidation. Quelle que soit leur religion.
 
 
 
Bande annonce originale :
 
 
 

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NAGUÈRE, DES ÉCOLES - ÉPISODE 2

Par Le Lutin d'Ecouves - 16-03-2011 08:07:32 - 2 commentaires

 

Etudes ?
 
 
Je l’avoue, je ne savais pas trop bien pourquoi j’étais là. En fait, je savais trop bien pourquoi j’étais là : l’Etat me payait à ne pas faire grand-chose dans des locaux chauffés.
 
Et je lui en sais gré. Je ne vais quand même pas cracher dans la soupe… enfin, juste un peu mais pour rire.
 
 
******
 
 
Deux semaines après le concours, je suis parti sous les drapeaux dans une base aérienne où mes relations m’avaient trouvé un emploi de bureau dans lequel j’en faisais encore moins qu’au bahut. Cette parenthèse achevée, j’ai réintégré l’institution scolaire que je n’avais jamais vraiment quittée depuis la maternelle. 
 
Un tiers de garçons pour deux tiers de filles, je me trouvais  à presque 23 ans dans une classe d’une vingtaine de personnes dont la majorité n’avait guère plus de 18 ou 19 ans. Ils avaient bien travaillé à l’école… eux !
 
Une Ecole Normale pleine de filles cuites à point, c’eût pu être une aubaine pour un mâle normalien. Détrompez-vous, il s’agissait de futures maîtresses d’école, ce n’était pas la peine d’essayer. La plupart était du genre à porter des chaussettes en laine et à  lire du Simone de Beauvoir. Et puis les rares belles étaient maquées... comme ma femme, quoi.
 
Ben oui, je m’étais marié durant mon séjour à l’armée, ce qui m’avait rapporté une grosse semaine de congés supplémentaires. Moins on en fait au boulot, plus on apprécie les vacances ; c’est bizarre mais finalement logique.
 
Donc, jeune marié, je n’avais pas la fibre infidèle en dehors de l’infidélité oculaire qui ne me quittera jamais. Cela dit, je n’avais pas besoin de traitement au collyre vu qu’à l’époque, les élèves institutrices s’habillaient généralement dans des sacs et n'étaient pénétrées que par des considérations pédagogiques. 
 
Rien pour me perturber, l’équivalent d’un SMIC par mois, j’avais tout pour faire de confortables études. Oui, mais pour étudier quoi ?
 
Je ne ferai pas le détail des enseignements reçus en cette bonne institution  mais le peu que j’en ai retenu me fit l’usage d’une boussole qui indiquerait le sud. Il suffisait de prendre le chemin à rebours pour être dans la bonne direction.
 
Heureusement, il y avait les stages. 
 
La première année, c’était essentiellement dans les classes de maîtres formateurs formés à nous former de façon fort molle. Endormant…
Au mieux, ça refaisait le coup de la boussole qui indiquerait le sud.
 
La deuxième année, c’était une autre paire de manches. Deux fois six semaines seul dans une classe. L’immersion.
 
La première fois, c’était avec des moucherons de deux à trois ans, la plupart récemment arrivés d’Afrique et ne comprenant pas un mot de français. 
 
Jusqu’ici, je n’avais jamais approché un tout-petit et d’ailleurs, on n’en avait jamais parlé à l’Ecole Normale. Le tout-petit, c’est ce qu’il y a de plus proche de l’animal avec le naturel et les déjections qui vont avec. Contre toute attente, le stage s’était bien passé. J’avais découvert qu’avec du bon sens et des tripes, on s’en tirait assez bien en maternelle. A la fin du stage, j’avais le cœur gros de voir partir mes petits arabes fanas de voitures miniatures et mes petites africaines à tresses.
 
Rentré pour peu de mois en classe, j’avais une vision plus claire de mon futur métier et je prenais encore plus de distance avec ce que j’entendais en cours.
 
Deuxième stage, cette fois-ci en primaire. Etant visité par les profs de l’EN chargés de valider mon stage, je dus jongler entre le nécessaire bon sens que j’étais en train d’acquérir avec le temps... et les exigences d’une pédagogie qui, à cette époque, était censée changer la société. Mes profs avaient fait 68 et moi, j’étais arrivé en retard pour la révolution. J’avais trop redoublé. 
 
Donc, concrètement, je planquais les dictées et les règles d’orthographe quand on m’inspectait et je faisais croire que l’enfant s’appropriait les connaissances par imprégnation grâce à une situation judicieusement préparée selon les enseignements dispensés aux futurs instituteurs. Enseignements d’ailleurs si imprécis et si flous que je n’y comprenais que dalle. 
 
Encore un stage qui s’était bien passé. J’étais rassuré, le métier me convenait et j’aimais bien les gosses. C’était une bonne surprise.
 
De la fin de cette deuxième année de scolarité, je ne me rappelle pas grand-chose. Bien noté en stage, je n’avais pas brillé dans les matières théoriques car je n’y avais rien fichu. Pas question de finir premier à l’examen de sortie, là, il y avait un travail à évaluer. Je sortis donc de l’ENA* pile en milieu de classement.
 
Ma vie de glandeur s’arrêta là. J’avais maintenant un métier qui me plaisait.
 
 
*ENA : Ecole Normale d'Alençon 
 
 

 

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LES FOLIES D'ESPAGNE 28

Par Le Lutin d'Ecouves - 14-03-2011 19:30:29 - Aucun commentaire

 

Francesco Geminiani

1687-1762

 

 

Né à Lucques en Toscane, le petit Francesco montra des dispositions exceptionnelles pour le violon. Après avoir étudié auprès de son père, il eut divers professeurs dont le célèbre Arcangelo Corelli.

Après avoir travaillé chez lui et à Naples, Geminiani va tenter sa chance en Angleterre à l'âge de 27 ans où il connut un grand succès auprès du public grâce à son brillant  jeu violonistique

Il se produisit même devant le roi Georges 1er accompagné du célébrissime Händel.

Etabli définitivement en Angleterre malgré quelques séjours en Irlande et à Paris, le musicien deviendra non seulement un virtuose et un compositeur reconnu mais aussi un théoricien important dont les traités auront une certaine influence sur l'interprétation musicale de son époque.

Il eut divers élèves dans l'aristocratie anglaise dont le Comte d'Essex qui lui évita la prison quand Geminiani, passionné d'Art, fit faillite dans son autre métier de négociant en tableaux de maîtres.

En 1762, Francesco Geminiani mourut à Dublin de contrariété, dit-on, quand il s'aperçut qu'un domestique lui avait volé le manuscrit d'un traité musical qu'il était en train de finaliser.

Parmi ses 42 concerti grossi, Geminiani a incorporé les douze sonates de l'opus V de son maître Corelli qu'il n'a pas seulement adaptées mais réécrites avec talent en les transformant en concertos.  Le dernier concerto de cette série est, bien sûr, une Folia dont voici un large extrait :

 

 

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NAGUÈRE, DES ÉCOLES - ÉPISODE 1

Par Le Lutin d'Ecouves - 11-03-2011 09:11:02 - 7 commentaires

 

Concours
 
 
Inconscient ou gonflé ? En tout cas, le gars qui se présentait à l’oral du concours de l’Ecole Normale d’Instituteurs n’avait pas le profil adéquat…
 
Et ce gars, c’était moi : un ancien semi-cancre, toujours entre la vingtième et la trentième place en primaire, titulaire d’un certificat de redoublement en CM2, d’un diplôme de repiquage en 4ème et d’un échec dès l’écrit au bac 1975.
 
Des séances de rééducation (ça existait déjà pour des cas graves comme moi…) en fin de primaire et surtout la bienveillance d’un système qui me laissait le temps d’évoluer me permirent d’arriver à mes fins ; je finis par avoir mon bac et dans la foulée, je m’inscrivis à la première fac venue que je fréquentai deux semaines avant de rentrer chez moi ou plutôt chez ma copine qui, elle, avait toujours bien travaillé et faisait la fierté de ses parents ouvriers en ayant son bac à 17 ans et en intégrant l’Ecole Normale d’Instituteurs publique, gratuite et obligatoire.
 
 
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C’est donc après un an de bienheureuse inactivité que je me présentai sur les conseils de ma compagne à ce fameux concours pour devenir instituteur, métier que je n’aurais jamais pensé faire vu mon profil peu scolaire et mon parcours chaotique.
 
Même si je n’avais pas touché un stylo depuis un an, les épreuves écrites ne m’avaient pas semblé difficiles. Il faut dire que, si j’étais nul dans beaucoup de matières, j’avais le don naturel de l’orthographe ainsi que celui de l’expression. J’ai toujours pu parler ou écrire sur toutes sortes de sujets, spécialement sur ceux que je ne connaissais pas. J’ai ainsi déjà commenté des films que je n’avais jamais vus et des livres que je n’avais jamais lus et cependant faire  illusion. 
 
Me voilà donc qualifié pour la deuxième étape : les épreuves orales. Rien de bien compliqué quand on a du bagout. Je me souviens surtout d’un entretien avec le prof de Maths et le prof de Français de l’établissement qui visait à établir ce qui me motivait à choisir un aussi noble métier.
 
Etant le dernier d’une famille restreinte, je n’avais vu aucun petit durant mon enfance et mon adolescence. Je n’avais pas d’a priori quant à l’éducation que l’on devait donner aux enfants et je n’avais pas la queue d’un préjugé concernant l’enseignement.
 
Voilà ce que j’ai exprimé d’un air détendu aux deux examinateurs qui venaient de se taper une litanie de bons sentiments et d’hyper motivation dans les heures qui précédaient, du genre :
 
-      J’ai toujours aimé les enfants !
-      J’ai travaillé en colonie de vacances depuis l’âge de seize ans.
-   Déjà, toute petite, j’organisais des jeux avec les enfants plus jeunes que moi…
-      J’ai appris à lire à mon petit frère.
-      Je suis moniteur de foot, alors les gamins, je connais…
- Je suis un adepte de l’analyse structuraliste concernant l’approche pré-cognitive du comportement des primo apprenants.
-      L’Education est fondamentale et si l’on veut changer la société, il faut agir au niveau de l’Ecole…
-      J’ai toujours voulu être maîtresse de maternelle… 
 
Les deux types, j’ai dû leur sembler comme une bouffée d’oxygène. Manifestement, ils n’avaient qu’une seule envie, tout agrégés qu’ils étaient, c’était d’aller se boire une bière au troquet du coin.

Le concours fut un succès sur toute la ligne et j'en fus le premier surpris, habitué que j'étais à me prendre régulièrement des bouillons.

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Voilà comment on peut entrer premier au concours de l’ENA (Ecole Normale d’Alençon). Rien dans le cigare et tout dans la com’.
 
Quand je regarde maintenant autour de moi et dans les médias, je me dis que je ne dois pas avoir honte… j’avais juste trente ans d’avance.
 
 
 

 

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DU BLEU DANS LE VERT

Par Le Lutin d'Ecouves - 07-03-2011 19:32:30 - 5 commentaires

 

 Brrr...


Non, pas vraiment chaude cette fin d'hiver mais quelle lumière !



Entendant les moineaux, les merles, les mésanges charbonnières, les rouges-gorges et les sansonnets faire un barouf d'enfer dans mon jardin, j'enfile un polaire et je sors.


Frrrt ! Plus personne sur les branches, on se méfie. Les lilas bourgeonnent à peine et ils ne fournissent que peu de refuges.


Le chèvrefeuille, abritant les débuts d'un nid de merles deviendra une HLM dans un mois mais pour le moment, pas plume qui vive. On doit me prendre pour un chat...


Tant pis, je vais photographier les arbustes comme cet arbousier ramené d'Aquitaine qui se développe avec vigueur. Le climat normand semble lui convenir.


Et les fleurs ? Il va falloir attendre un peu pour les roses mais les rosiers m'ont l'air particulièrement vigoureux dans leur repousse cette année.


Ah, un peu de couleur supplémentaire avec cette corète du Japon qui commence sa floraison.


Sans oublier le jasmin d'hiver qui fleurit déjà depuis un moment.


Le cotonéaster, présent  jusque dans les hauteurs de l'Himalaya, ne craint nullement le froid et a gardé ses baies rouges tout l'hiver pour conserver un peu de couleur dans mon jardin mais aussi pour le plus grand plaisir des merles qui s'en régalent.

Le bleu a perdu de son éclat et l'ombre réinvestit ce petit jardin frémissant. Je monte vite les escaliers et j'attrape les derniers rayons du soleil qui inonde les toits de la ville de son flot vermillon.


Photos prises à Alençon le 7 mars 2011

 

 

Hé François et Reynald, vous croyiez peut-être que j'allais vous laisser faire des photos de vos jardins respectifs sans réagir ?

 

 

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LES FOLIES D'ESPAGNE 27

Par Le Lutin d'Ecouves - 07-03-2011 11:20:41 - Aucun commentaire

 

Henrico Albicastro
environ 1660-1730


 

Pour une fois que les Suisses tenaient un compositeur de talent !

Longtemps, on a été sûr que Henrico Albiscastro était né en Suisse comme le musicien allemand Walther l'avait suggéré en 1732.

Le premier disque contenant des œuvres de ce célèbre Helvète  a même été édité il y a vingt ans dans le cadre de la célébration des 700 ans de l'existence du pays du gruyère et des banques accueillantes.

Las, Walther avait avancé cette information sans preuve et des recherches récentes situent le lieu de naissance d'Albicastro en Bavière non loin de Weissenburg d'où son véritable nom : Johann Heinrich von Weissenburg.

Le jeune Heinrich a poursuivi ses études musicales à Leyde aux Pays-Bas. Ensuite, il semble exercer divers emplois comme chef d'orchestre et musicien sans que l'on ait la moindre précision sur ce qu'il faisait vraiment mais c'est en 1708 que l'on retrouve vraiment sa trace comme... capitaine de cavalerie de l'armée néerlandaise.

Weissenburg était semble-t-il aussi habile avec son archet qu'avec son sabre car au moment de sa mort, il était considéré à l'égal de grands virtuoses du violon comme Biber.  

Mais au fait, pourquoi notre Bavarois émigré aux Pays-Bas est-il connu sous son nom italianisé en Henrico Albicastro (Weissenburg et Albicastro se traduisent en français par "château blanc")?
Eh bien, pour des raisons commerciales, chère madame. Le grand éditeur d'Amsterdam Etienne Roger qui avait imprimé le célébrissime opus V de Corelli qui contenait la fameuse Follia surfait sur la vague italienne, s'apercevant que ses partitions se vendaient mieux si les noms des compositeurs avaient des consonances transalpines.

Qu'à cela ne tienne, Weissenburg s'appellera Albicastro pour la postérité et sur les pages de titre de ses neuf opus parus à Amsterdam entre 1701 et 1706 où sa carrière militaire est d'ailleurs évoquée.

C'est dans sa dernière publication qu'Albicastro insèrera une Follia en douzième et dernière position à l'instar de Corelli.

 

La Follia opus IX n°12

 
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