UN PRESIDENT ET DES ARBRES
Le Lutin d'Ecouves

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UN PRESIDENT ET DES ARBRES

Par Le Lutin d'Ecouves - 13-02-2010 09:18:10 - Aucun commentaire

 

Quarante ans plus tôt

 

 

Les années 70 furent pour moi celles de l'adolescence et du passage à l'âge adulte. Bien évidemment, ce fut aussi la période lors de laquelle j'ai développé un semblant de conscience politique, histoire de faire comme tout le monde.

Dans le milieu incroyablement conformiste des lycéens des années 70, il n'y avait qu'une attitude licite, celle qui consistait à vomir le pouvoir en place; ce qui était assez aisé vu le ramassis de conservateurs rassis et d'anciens collabos qui avaient survécu au grand blanchiment de l'après-guerre.

Adolescence n'est pas nuance et nos cibles préférées étaient bien sûr les hommes d'état qui représentaient pour nous tout ce nous rejetions dans la société, avec en première ligne, le président Pompidou, ses clopes et son air patelin.

Les premiers mouvements écologistes faisaient leur apparition (je me souviens de René Dumont en 74) et j'ai même participé  à cette époque à une manif-plantation d'arbres sur un terrain de la ZUP d'Alençon pour protester contre le démarrage d'un chantier.

Mais voilà, le monde que je voyais en noir et blanc était un peu plus subtil que cela. En témoigne cette lettre du président Pompidou à son premier ministre Jacques Chaban-Delmas :

 

 « Mon cher premier ministre,

J’ai eu par le plus grand des hasards communication d’une circulaire du Ministre de l’Equipement, Direction des Routes et de la Circulation Routière, dont je vous fais parvenir photocopie.

Cette circulaire, présentée comme un projet, a en fait déjà été communiquée à de nombreux fonctionnaires chargés de son application, puisque c’est par l’un deux que j’en ai appris l’existence.

 

Elle appelle de ma part deux réflexions :

La première, c’est qu’alors que le conseil des ministres est parfois saisi de questions mineures telles que l’augmentation d’une prime versée à quelques fonctionnaires, des décisions importantes sont prises par les services centraux d’un ministère en dehors de tout contrôle gouvernemental.

La seconde, bien que j’aie plusieurs fois exprimé en conseil des ministres ma volonté de sauvegarder partout les arbres, cette circulaire témoigne de la plus profonde indifférence à l’égard des souhaits du président de la république. Il en ressort en effet que l’abattage des arbres le long des routes deviendra systématique sous prétexte de sécurité.

Il est à noter par contre que l’on envisage qu’avec beaucoup de prudence et à titre de simple étude le déplacement des poteaux électriques ou télégraphiques. C’est que là il y a des administrations pour se défendre.

Les arbres eux, n’ont, semble t-il, que moi-même et il apparaît que cela ne compte pas.

La France n’est pas faite uniquement pour permettre aux français de circuler en voiture, et quelle que soit l’importance des problèmes de sécurité routière, cela ne doit pas aboutir à défigurer son paysage.

D’ailleurs, une diminution durable des accidents de la circulation ne pourra résulter que de l’éducation des conducteurs, de l’instauration des règles simples et adaptées à la configuration de la route, alors que complication est recherchée comme à plaisir dans la signalisation sous toutes ses formes. Elle résultera également des règles moins lâches en matière d’alcoolémie, et je regrette à cet égard que le gouvernement se soit écarté de la position initialement retenue.

La sauvegarde des arbres plantés au bord des routes, et je pense en particulier aux magnifiques routes du Midi bordées de platanes, est essentielle pour la beauté de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde d’un milieu humain.

Je vous demande donc de faire rapporter la circulaire des Ponts et Chaussées et de donner des instructions précises au ministre de l’équipement pour que, sous divers prétextes, vieillissement des arbres, demandes de municipalités circonvenues à tout souci d’esthétique, problèmes financier pour l’entretien des arbres et l’abattage des branches mortes, on ne poursuive pas dans la pratique ce qui n’aurait été abandonné que dans le principe et pour me donner satisfaction d’apparence.

La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez tous un besoin d’évasion, de nature et de beauté.

L’autoroute sera utilisée pour les transports qui n’ont d’autre objet que la rapidité. La route elle, doit revenir pour l’automobiliste de la fin du XX ème siècle ce qu’était le chemin pour le piéton ou le cavalier : un itinéraire que l’on emprunte sans se hâter, en en profitant pour voir la France.

Que l’on se garde de détruire systématiquement ce qui en fait la beauté ! »

( Merci à Alain Baraton pour l'info)

 

Voilà, c'était il y a quarante ans et pourtant tellement actuel. Cependant, au niveau de la langue et de l'expression, on est loin de la vulgarité  d'une grande partie de la classe politique contemporaine. Verrai-t-on à notre époque d'héritiers et de gestionnaires un agrégé de lettres fils d'instit parvenir à l'Elysée ? Pas sûr !

 

Rassurez-vous, je ne vais pas fonder un parti Lutino-Pompidolien, là n'est pas le propos. Je ne crois pas que j'aurais pu partager toutes les opinions de ce président.

Mais j'aurais certainement pris plaisir à discuter avec lui...

 

 


 

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