Il n'est d'autre remède à cette maladie épidémique que l'esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l'air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d'être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. (...)
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage : c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre. Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. (...)
Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne* qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait. (...) Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède ; car l'effet de la philosophie est de rendre l'âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. (...)
Extrait de : Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif, 1764
*Voltaire fait ici référence à la secte de Hassan ibn Sabbâh (fin XIe-XIIe s.) connue sous le nom secte des Assassins. Le mot proviendrait de asâs, qui signifie base , fondement (de la Foi) et non de haschisch comme certains auteurs occidentaux l'ont suggéré.
6 commentaires
Commentaire de philtraverses posté le 08-01-2015 à 12:25:44
Merci pour cet extrait du grand Voltaire, hélas d'une grande actualité dans les tristes circonstances que nous connaissons. La lutte des lumières contre l'obscurantisme est un combat éternel et rien n'est jamais acquis. Les démocraties ne sont hélas pas éternelles et risquent de succomber sous les coups de boutoir des fanatismes de tout bord. . Un seul salut pour l'humanité : se garder des préjugés et restant tolérant et ouvert envers et contre tout.
Commentaire de Deudeu87 posté le 08-01-2015 à 23:55:10
« La démocratie est le régime politique dans lequel le peuple est souverain. »
Les « démocraties » n’en sont plus, un cycle semble se terminer.
Les « puissants » luttent à couteaux tirés pour capter les richesses du monde, ou les soustraient aux plus faibles.
Les plus désespérés et les plus « vifs », d’entre les « petits » rêvent et demandent leur part du gâteau, ou « relèvent le gant ».
La haine organisée, par tous les protagonistes, conduit dans les cas extrêmes à la « boucherie », hélas d'une grande actualité dans les tristes circonstances que nous connaissons (pour citer Emilcorian).
Les maitres du monde doivent « se garder des préjugés et rester tolérant et ouvert envers et contre tout. » (Pour citer Emilcioran)
Pour que ne se reproduisent plus de tels massacres.
Le massacre qui nous accable et ceux qui accablent le monde sous le joug de l’intolérance et de la cupidité.
(Désolé pour l’orthographe, c’est pas mon fort)
Commentaire de Benman posté le 09-01-2015 à 19:29:18
Merci Thierry
Commentaire de philkikou posté le 11-01-2015 à 16:23:35
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » (… du moment où vous respectez la laïcité, les libertés, la République...)
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En ce début d’année, où nos valeurs républicaines viennent d’être violemment attaquées, la référence à Voltaire qui, au XVIIIe siècle, s’est battu pour la liberté d’expression, est quasi systématique. Le problème, c’est qu’on attribue souvent au philosophe de la tolérance des mots qu’il n’a jamais écrits ni prononcés. La fameuse phrase : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » en est le meilleur exemple.
Celles et ceux qui ont décerné cette citation à Voltaire, et l’ont copieusement répandue sous son nom, se basent sur une lettre datant du 6 février 1770. Voltaire se serait adressé à l’abbé Le Riche en ces termes : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » Si l’existence de cette missive a été avérée, la phrase n’y figure pas, ni même l’idée ! C’est ce qu’on appelle une citation « apocryphe », dont l’authenticité n’est pas établie.
Mais alors, à qui la faute ? Pas à Rousseau, ni à Voltaire lui-même, comme dans la chanson de Gavroche, mais à l’Anglaise Evelyn Beatrice Hall qui, dans un livre, The Friends of Voltaire, publié en 1906 sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre, utilisa la célèbre formule pour résumer la pensée voltairienne. « « I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it », was his attitude now », écrit-elle. Elle confirmera par la suite que c’était sa propre expression et qu’elle n’aurait pas dû être mise entre guillemets. Qu’elle soit due à la maladresse de l’auteur ou de l’éditeur, la citation a été rapidement traduite en français avant de connaître le succès que l’on sait.
Si la devise n’est pas de Voltaire, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre sa philosophie, telle qu’elle paraît notamment dans ses Questions sur l’Encyclopédie : « J’aimais l’auteur du livre de l’Esprit (Helvétius). Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. »
Une autre citation apocryphe de Voltaire a été reprise en janvier 2014 dans le cadre de l’affaire Dieudonné : « Pour savoir qui vous dirige vraiment, il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer. » En réalité, c’est un écrivain controversé anglais, Kevin Alfred Strom, qui en revendique la paternité sur son site internet.
Sandrine Campese
http://www.projet-voltaire.fr/blog/actualite/voltaire-na-jamais-dit-je-ne-suis-pas-daccord-avec-vous-mais-je-me-battrai
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 11-01-2015 à 18:55:04
Je connaissais ce fait. On ne prête qu'aux riches, c'est comme pour Einstein à qui l'on attribue bien des déclarations.
Commentaire de Japhy posté le 12-01-2015 à 14:09:17
Bien sûr, on a l'impression que tout se répète, mais que faire concrètement, dans le système éducatif par exemple? Il faut décider des priorités prioritaires, en terme de budget notamment. Mais même sur le fond même du contenu éducatif, c'est compliqué.
L'enseignement du "fait" religieux (le "fait", quel mot bizarre pour une croyance) à l'école n'a rien changé évidemment. Plus étonnant peut-être, celui des origines de la Terre et des Espèces non plus, quel dommage...
Certains militent pour un enseignement de la philosophie plus "précoce", dès la seconde, c'est le cas de R. Enthoven par exemple.
Mais ce n'est pas si simple, les concepts philosophiques ne trouvent pas si facilement leur chemin dans la tête des minots de 15 ans (et j'en sais quelque chose), à moins qu'on les mette à leur portée, ce qui devrait être possible, pour certains de ces concepts au moins.
Bref, je ne sais pas, il va falloir se remuer les méninges!
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