KikouBlog de Le Lutin d'Ecouves - Octobre 2007
Le Lutin d'Ecouves

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Archives Octobre 2007

L'Art du Tombeau

Par Le Lutin d'Ecouves - 31-10-2007 16:08:44 - 5 commentaires

 
 L'Art du Tombeau
(époque baroque) 

 

 
 

Dans la musique française du XVIIème siècle, le Tombeau était une pièce lente de forme assez libre composée après la mort d'un grand personnage, d'un collègue musicien (maître ou ami) ou d’un membre de la famille pour en honorer la mémoire.

Cette forme d'expression purement française peut revêtir l'aspect d'une Allemande ou de l'ancienne Pavane, danse de la Renaissance tombée en désuétude. Elle est certainement héritière des Funeralls et autres Lachrimae des compositeurs anglais de l'époque Elisabéthaine (le plus célèbre de ces dépressifs étant le génial John Dowland, mort en 1626 dont Sting a repris certains "songs" dans son dernier album).


Le Tombeau exprime avec grandeur  et retenue  une  sorte  d'effroi  mâtiné  de stupeur  face  à la mort. Il ne s'agit pas là de se lamenter en s'arrachant les cheveux comme dans le Lamento Italien mais bien de témoigner d'une douleur digne et fataliste.

Loin de moi l'idée d'infliger à mes trois lecteurs potentiels l'écoute de la quinzaine de Tombeaux de ma collection, j'ai choisi les plus significatifs de l'Esprit Français de l'époque : 


 

Le plus ancien connu est certainement le Tombeau de Mezangeau (grand luthiste mort en 1638), oeuvre d'Ennemond Gaultier  (né en 1575) qui emprunte à son début quelques notes des Lachrimae de John Dowland. Ce n'est pas un hasard si cette pièce est une oeuvre pour luth; la moitié des Tombeaux sont dédiés à cet instrument ou au théorbe (luth grave accordé différemment).

 

 

Quelques tombeaux furent aussi composés pour le clavecin comme en témoigne ce Tombeau de Chambonnières (fondateur de l'école française de clavecin) du compositeur Jean-Henry d'Anglebert (1635-1691).

 

 

La viole fut, après le luth l'instrument privilégié pour exprimer la souffrance du musicien français grâce à son timbre si proche de la voix humaine. Marin Marais composa trois Tombeaux pour Mr de Ste Colombe, pour Monsieur Meliton et pour Monsieur de Lully dont voici une interprétation :

 

 

Plus touchant, ce témoignage d'un père attristé par la mort de ses filles en bas âge : Le Tombeau de Mesdemoiselles de Visée par Robert de Visée, professeur de guitare de Louis XIV et théorbiste dans l'orchestre du Roi.

 

 

Terminons par le Tombeau le plus connu grâce au film d'Alain Corneau "Tous les matins du monde" : Le Tombeau Les Regrets de l'énigmatique Monsieur de Ste Colombe maître de la viole du XVIIème siècle qui fut à l'origine de l'ajout d'une septième corde grave à la basse de viole.

 

 

Si le tombeau fut un genre oublié dans la seconde partie de l'époque baroque (à l'exception de Jean-Marie Leclair), les compositeurs du début du vingtième siècle feront quelques pas sur les traces des anciens maîtres; citons Maurice Ravel pour Le Tombeau de Couperin ou Manuel de Falla pour le Tombeau de Debussy.

 

Pour tout renseignement supplémentaire (autres tombeaux, par exemple) contactez-moi par MP.

 

 
 

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La forêt du Lutin

Par Le Lutin d'Ecouves - 27-10-2007 10:22:54 - 7 commentaires

 
 
 
Où court ce Lutin si pressé ? Il va rejoindre sa forêt qui lui murmure de si fantasques histoires d'éternité.
 
 
 
Forêt d'Ecouves, impressions d'octobre
 
 
 
 
C'est dans ce genre de chemin creux que l'on rencontre des trolls. Mais pas d'inquiétude, ils sont trop bêtes pour faire du mal à un Lutin.
 
 
 
 
Parfois quelques esprits traversent en groupe ces pentes à toute allure. D'aucuns les appellent cervidés; moi je sais que ce sont des créatures magiques car, malgré leur taille imposante, elles ne font aucun bruit et disparaissent comme par enchantement.
 
 
 
 
Ces conifères ne sont pas originaires de ma forêt mais ils sont bien acceptés par les arbres indigènes qui ont toujours vu de la richesse dans la présence de l'autre.
 
 
 
La Fée Lumière : Son rôle est déterminant dans ce milieu; en effet, le Chêne (Quercus) est amoureux de la fée mais c'est un gros paresseux qui s'étale en largeur quand on lui en laisse l'occasion. Pour que le chêne soit grand et beau, les Lutins sèment autour de lui de sémillants Hêtres (Fagus) qui ont la faculté de pousser vite et haut. Cerné par l'ombre de Hêtres, ce gros balourd de Chêne n'a pas d'autre choix que de faire la culture physique et il se met à pousser droit et haut pour être en mesure d'apercevoir sa Dulcinée. Voilà pourquoi les chênes des forêts ont de longs fûts élancés alors que nos chênes des champs sont si larges et bien moins hauts.

 
 
 
 Un jour, un Lutin de mes amis s'est mis en tête de compter le nombre de nuances de vert et de brun qui existent en forêt d'Ecouves. Il a commencé il y a un bon siècle et compte encore.
 
 
Des Sapins poussent aux endroits dédaignés par les trop fiers Chênes. Ce sont de bon bougres à pousse rapide qui n'ont pas inventé le fil à couper la résine mais les Lutins les aiment bien car ils participent de bon gré aux fêtes de fin d'année.
 
 
 
 
A quelques kilomètres de là, de l'autre côté de la plaine d'Alençon se trouve l'autre forêt. Vous pouvez deviner sa présence en observant la ligne noire qui se trouve à l'horizon. Elle se nomme Perseigne, c'est une voisine, plus modeste, de la forêt d'Ecouves. Les Lutins y vont parfois, pour changer, le samedi. Mais leur coeur reste dans leur forêt bien aimée qui sait leur chanter l'étrange mélodie sylvestre faite d'ombre végétale et de lumière minérale.

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La Corde Raide

Par Le Lutin d'Ecouves - 24-10-2007 23:37:27 - 1 commentaire

 
 

La corde raide

"Tightrope" de Laurie Anderson

Traduction : Le Lutin d'Ecouves

 
 
 
 La nuit dernière, j’ai rêvé que j’étais morte et que ma vie avait été réorganisée en une sorte de parc à thème.

Et tous mes amis allaient et venaient le long d'un ponton.

Et ma grand-mère défunte vendait de la barbe à papa à l’extérieur d’une petite cabane.

Et il y avait une grande roue à peu près à huit cents mètres au large dans l’océan, mi-émergée, mi-immergée.

Et tous mes anciens petits amis étaient dessus. Avec leurs nouvelles petites amies.

Et les garçons faisaient des signes et hurlaient et les filles poussaient des cris aigus. Puis ils disparaissaient sous la surface puis reparaissaient à nouveau, riant et suffocant.

Dans ce rêve, je tente de rester en équilibre sur une corde raide, basculant d’avant en arrière. En dessous de moi, se trouvent tous les membres de ma famille et si je tombe, je les écrase.

Cette longue ligne étroite, cette mélodie, ce cri. C’est la seule chose qui me relie à ce monde tournoyant du dessous, à tous les gens, à tout ce bruit, ces sons, ces cris.

Ce fil fait de sons, ce long fil étroit constitué par mon propre sang.

Souvenez-vous de moi, c’est tout ce que je demande et si se souvenir devient une obligation, oubliez-moi.

Ce long fil ténu, ce fil si étroit ...

Cette corde raide faite de sons...

 

 
 

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Les affaires reprennent

Par Le Lutin d'Ecouves - 22-10-2007 22:38:00 - 4 commentaires

Vive le cross !
 
 
 
L'automne est là et pour moi et les copains, la saison des trails et des courses sur route se met entre parenthèses. A part un 10km en décembre, notre région ne compte pas de course en hiver; quant à la saison des trails, elle redémarrera au printemps. Bien sûr, nous nous déplaçons de temps en temps comme en janvier prochain pour participer au RTT mais l'essentiel des compétitions entre fin octobre et février, ce sont pour nous les cross FSGT.
 
C'est quoi un cross ? Eh bien, c'est des gens qui courent dans des champs et qui boivent un coup après pour se réchauffer.
 
Ce samedi à Rânes, c'est la rentrée des équipes FSGT, mon équipe, c'est AS Enseignants, une équipe habituée au fond du classement.
 
 
 
 
Là, vous voyez nos nouveaux débardeurs; les autres années, nous étions obligés de porter d'horribles maillots de foot trop grands. Les autres équipes riaient tellement en nous voyant que le bureau FSGT du département nous a demandé de changer de tenue pour ne pas déconcentrer les autres concurrents. Remarquez le splendide bronzage cycliste de Bernard, officier des palmes académiques et néanmoins responsable de la section départementale de cross. A droite, il y a mon ami Allain (kikoureur discret), nouveau membre du club quoique non enseignant; mais bon, il est allé à l'école dans le temps, il peut bien faire partie de l'enseignement dans ce cas. Un absent de marque : Mustang qui est parti faire le zouave en Belgique avec Loulou.
 
Le cross, c'est dur, c'est sale, il fait froid et c'est ouvert à tout le monde. De poussin à vétéran, chacun peut courir dans sa catégorie et chacun a son classement à l'issue des 7 épreuves de l'année.
 
 
Ce jour, à Rânes, il fait raisonnablement froid et le soleil fait plus que briller. On commence d'abord par le cross des jeunes. Bin'(petit kikoureur), mon favori (je lui ai appris à lire) mène intelligemment sa course : il fait 80% du parcours juste derrière le groupe de tête et poutre ses adversaires sur la fin. Surprise ! il se fait passer dans la dernière ligne droite par un galopin du même tonneau.
Bin' ne l'avait pas vu arriver, il devait encore penser à son super Papa qui venait de terminer la Diagonale des fous en 38h02 le matin même. Je chambre gentiment le gamin en lui disant que moi, au moins, je ne finirai pas deuxième !

 
image rungreg
 
Maintenant, c'est le tour des filles. Les feuilles de classement sont prêtes depuis plusieurs années : Véronique (quel fessier !) première Senior, Ricounette première V1 et Simone, première V2. Voilà, et c'est le classement du jour, évidemment !
 
 
 
 
Ricounette, c'est notre valeur sûre. Elle nous ramène toujours un maximum de points à chaque saison. Nous en avons besoin pour ne pas finir derniers du classement par équipe.De plus, elle fait d'excellents gâteaux.
 
 
 
Avec Ricounette, voici Véronique, une sérieuse cliente qui descend maintenant largement sous les 40' au dix Km.
 
 
Après les filles, les garçons prennent le départ.

 
 
 
Le cross, c'est dur ! On part à fond, on continue à fond et on termine à fond ! Mais on aime ça !
 
 
 
 
Je réussis l'exploit de courir une bonne moitié des 7,5km avec un lacet défait et je ne consens à m'arrêter que quand Ricounet me passe; avant je me faisais un devoir de lui résister le plus longtemps possible. Je perds 12 places et je repars comme un malade pour reprendre 3 places. Bien sûr, j'arrive ruiné alors qu'Allain arrive frais à peine 40'' derrière moi, lui qui débute son avant-dernière saison V2.


 
Bien, mon classement est minable comme d'habitude mais je ne suis pas venu pour ça. Je suis venu pour l'ambiance et le gâteau. C'est donc en buvant le café et en mangeant de la pâtisserie que nous finissons l'après-midi.

 
 
 
Mouarf ! Ch'est bon ! N'est-ce pas Ricounet ! A dans deux semaines pour un nouveau gâteau et accessoirement 7,5km de cross à Gesnes le Gandelin.
 

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Yessss : ils sont tous arrivés !!!

Par Le Lutin d'Ecouves - 21-10-2007 21:20:11 - 5 commentaires

Hommage aux trailers de la diagonale !

 
 
Je viens de passer un week-end d'enfer l'oeil droit sur le forum en folie de Kikouroù, l'oeil gauche sur le site du Grand Raid et les oreilles occupées par RER (Radio Est Réunion). Tous mes héros Alençonnais sont arrivés : 100% de réussite !
 
Les résultats :
 
JMF : 38h02 (208) il a poutré comme une bête !
Vincent : 52h37 (820) il en avait encore sous le pied.
La Mouette : 55h15 (931) c'était son troisième ultra en 5 mois !
Loïc : 55h57 (964) c'était son premier ultra, il a souffert mais fini.
Joël : 55h57 (965) il a accompagné Loïc sur la fin, belle solidarité !
Mireille : 56h46 (1000) ça n'a pas été facile mais Mama Gramoune n'abandonne jamais !
Christian : 56h46 (1001) : il était là pour accompagner son épouse, tous les maris ne feraient pas 150 km de trail pour fêter les 50 ans de leur femme !
 
Total respect !
 
Le Lutin est fier d'être leur camarade.
 
 

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Diagonale des Fous : des héros pas si ordinaires

Par Le Lutin d'Ecouves - 16-10-2007 23:20:18 - 6 commentaires

Salut les Kikous, vu l'immense succès de mon billet sur la polyphonie Franco-Flamande, je vais recentrer temporairement mon blog sur la course à pied.

Aujourd'hui, je vais vous parler de gens qui sont dans l'avion à l'heure où je vous écris, tous sont Alençonnais et tous vont participer au Grand Raid de la Diagonale des Fous. Je sais qu'ils ne sont pas des champions mais ce sont mes héros à moi et je suis fier d'être leur copain.

D'abord, Loïc. Il est chirurgien et il part pour son tout premier ultra après un échauffement au semi du Morbihan. Loïc, j'ai pour lui beaucoup d'admiration mais il ne le sait pas. Il faut dire qu'il y a trois ans, il s'est trouvé un cancer du poumon (il ne fumait plus depuis dix ans à peine). Il s'est dit : "Eh bien, un cancer, ça se soigne !" Et il s'est remis à courir dès qu'il a pu : entraînements entre deux chimios et première compétition six mois après son opération. Il faut ajouter à cela que c'est un gars simple et ouvert, ça ne gâte pas le portrait !


 
Maintenant, Vincent. Lui, il est dentiste, ça fait peur, hein ? C'est un excellent coureur capable d'une grande vélocité et d'une remarquable endurance. Son sens de la modération et de la gestion le font courir souvent sous son niveau réel. Le gars en garde toujours sous le pied. Résultat, il est revenu à peine fatigué du Marathon des sables.

 
 
Mireille, c'est une connaissance de longue date.Elle est née à la Réunion mais a vécu sa vie d'adulte en métropole. C'est la plus adorable teigne que je connaisse. Elle se bat toujours et ne renonce jamais même quand elle doit boucler le semi raid du Morbihan avec une fracture récente du coccyx.Cette année, c'est l'année de ses 50 ans, elle a décidé d'enfiler les grandes épreuves et de terminer en apothéose par la Diagonale. A part ça, elle est diabétique et se soigne avec la course à pied. Total respect !

 
Pas de Mireille sans son mari Christian le Coach. Toujours gai, toujours allant, Christian fait figure de chef lors de nos sorties en forêt. Je me rappelle un 24h par équipes lors duquel Christian, blessé nous a encouragés sur le bord de la piste de jour comme de nuit. Son énergie et le barouf qu'il faisait donnait même du coeur au ventre aux coureurs des autres équipes.C'est sa quatrième diagonale mais cette année, il y va pour Mireille.

 
Manu, "la Mouette" est un phénomène. Si vous regardez le gars, vous ne pouvez pas soupçonner que c'est un ultra trailer. Pourtant, cette année, il a bouclé le 61km de Radon, parcouru 120km sur 187 lors du raid du Morbihan et bouclé son quatrième UTMB. Le gars Manu n'a pourtant pas le physique mais il a un mental surprenant. La vie n'a pas été facile pour lui à cause d'ennuis de santé et un terrible chagrin d'amour a failli le laisser sur le carreau.
A ce moment, le Manu, il s'est dit que, plutôt que de se jeter au fond du puits, il ferait mieux de se mettre à l'ultra trail.
Manu, j'ai appris à le connaître et à le respecter. Manu, c'est le trailer qui court avec sa tête...

 
Joël, c'est un autochtone de ma forêt d'Ecouves. C'est un vieux sanglier solitaire qui daigne de temps en temps nous honorer de sa présence lors de certains entraînements mais, la plupart du temps, loin des pépiements continuels du Lutin, il parle à sa forêt et elle lui répond. Il va boucler sa deuxième Diagonale cette année et fêter en même temps ses 30 ans de mariage avec Brigitte qui l'accompagne en spectatrice.

 
 
Pour finir, JMF mon journaliste préféré. C'est lui qui m'affubla un jour du sobriquet de "Lutin d'Ecouves" dans son journal. JMF, c'est une bête ! D'une résistance à toute épreuve, il est capable d'avaler sans déglutir des courses comme la Diagonale (dont c'est sa deuxième participation) ou l'UTMB. Il est l'heureux papa de trois gaillards tous aussi bons coureurs que lui dont le plus petit, Bin' qui se permet de me damer le pion en sprint à la fin d'un entraînement de 10 bornes alors qu'il n'a pas encore ses onze ans !
 
 
 
 
Ben ,voilà. Je vais passer la fin de la semaine à suivre leur progression sur le site du Grand Raid.
Un jour, quand je serai grand, j'essaierai d'être comme eux. En attendant, je continuerai d'être un Lutin...

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La Polyphonie Franco-Flamande

Par Le Lutin d'Ecouves - 13-10-2007 19:39:06 - 8 commentaires

La polyphonie franco-flamande
des XVème et XVIème siècles
par le Lutin d'Ecouves, maître de conférence dans sa cuisine

Billet mis à jour le 18 octobre 2018



Qu’est-ce que la polyphonie ?

A partir du IXème siècle, apparaît une nouvelle façon d’interpréter le chant grégorien (appelé postérieurement plain-chant c’est à dire “chant plat”) : les chantres ajoutent une seconde mélodie à la mélodie originale. Il s’agit au début d’un simple décalage dans le temps ou au niveau de la hauteur.

Le chant, déjà difficile à mémoriser devient encore plus complexe, ce qui amènera les chantres à la notation d’abord sur une ligne puis plus tard sur quatre lignes. Le grégorien, de tradition orale depuis le Vème siècle (un siècle avant Grégoire le grand !) bénéficiera de cette innovation et il continuera de s’écrire sur une portée de quatre lignes alors qu’une cinquième ligne sera ajoutée dans la deuxième partie du moyen-âge.
La seconde ligne mélodique s’affranchira rapidement de la première pour gagner une certaine indépendance : la polyphonie (chant à plusieurs voix) prend son essor.

Au XIIIème siècle, avec l’école de Notre-Dame (de Paris, alors en construction) la polyphonie explose littéralement et les premiers compositeurs connus (Pérotin,Léonin) écrivent des pièces à trois et quatre voix qui conduiront leurs successeurs de l’Ars Nova (XIVème) à une complexité croissante dans la composition de leurs oeuvres (Guillaume de Machaut est le plus prestigieux représentant de cette école). L’Ars Nova débouchera sur un mouvement musical extrêmement complexe qu’on appellera plus tard “Ars Subtilior”, la polyphonie du moyen-âge atteint à ce moment son niveau le plus élevé de sophistication qui devait certainement la mettre hors de portée de bien des esprits contemporains.
 
Guillaume de Machaut


L’aire franco-flamande

Les anciens Pays-Bas (Luxembourg, Belgique, nord de la France et Pays-Bas actuels) sont, au sortir de la guerre de Cent Ans, une zone financière et commerciale de premier ordre alors que son puissant voisin a fort pâti du conflit qui le laisse exsangue financièrement et intellectuellement.
 
Un état médian se crée à ce moment en Europe de l’ouest : l’état bourguignon qui, par conquêtes et héritages, s’étendra des Pays-Bas jusqu’en Italie. Entre les mains des ducs de Bourgogne puis des Habsbourg, cette aire géographique sera pour longtemps une zone d’intense circulation économique et intellectuelle.
 
Les musiciens de l’aire franco-flamande suivront naturellement leurs patrons nobles et ecclésiastiques dans leurs nombreuses pérégrinations à travers l’Europe de l’époque.
 
Pendant deux siècles, la polyphonie franco-flamande sera la forme musicale dominante de l’Europe de la Renaissance (La Renaissance commence au XVème en art).
 
 Carte de l'Etat Bourguignon
 


Les caractéristiques de la polyphonie franco-flamande

Que pouvait-on ajouter à la musique de l’Ars Nova ? Certainement pas une complexité grandissante, l’art polyphonique du moyen-âge ayant atteint un niveau de perfection technique difficile à surpasser.
 
La caractéristique première de la polyphonie franco-flamande est l’euphonie ou harmonie des sons. Cette musique est imprégnée d’une douceur jusqu’alors inconnue en Europe de l’ouest. La deuxième caractéristique est une virtuosité technique jusqu’à maintenant inégalée (hormis J.S.Bach dont il serait intéressant de faire une étude mettant en lumière ses rapports avec la musique écrite un siècle et demi avant sa naissance). La troisième caractéristique est l’équivalence des voix, ce qui la distingue de la musique du moyen-âge dans laquelle les nouvelles voix se rajoutaient à la mélodie de base appelée teneur (terme qui donna plus tard celui de ténor).




Les musiciens :(certaines œuvres sont données en extraits, Ref est un lien pour l'interprétation)


 Les précurseurs

Véritable figure de proue de la première génération des polyphonistes flamands, Guillaume Dufay (1400-1474) est originaire de Cambrai. Il occupera des fonctions dirigeantes tant d’ordre ecclésiastique que musical dans divers pays (Flandres, Italie,Savoie). Son oeuvre comporte des pièces religieuses comme ce Kyrie de la messe "L'homme armé" :

(Ref)
 

Dufay produira aussi des chansons françaises parfois encore imprégnées de l’art subtil de la fin du moyen-âge telle cette triple chanson Je vos pri mon tres, trois textes et trois mélodies, technique très courante aux XIVème et XVème siècles) :
 
 

Gilles Binchois (1400-1460) né à Mons, se fera connaître pour ses rondeaux, ballades et poèmes. Moins voyageur que Dufay, il sera cependant au service du comte de Suffolk (en tant que soldat!) et du duc de Bourgogne. Il finira prévôt de la collégiale de Soignies.

Binchois : Amours Mercy

 
Alexander Agricola (1446-1506) né dans les Pays-Bas, développa un style extrêmement riche au caractère parfois imprévisible et souvent novateur. Sa carrière le mènera au service du duc de Bourgogne (et roi de Castille), du roi de France, de Laurent de Médicis, du roi de Naples ou du Duc de Milan .
 
Agricola : Fortuna Desperata

(Ref)

A écouter ici : https://youtu.be/lDY1DnsSCvY

 
Antoine Busnois (1430-1492) né dans la région picarde, sera au service de Charles le Téméraire avant de finir sa carrière à Bruges. Il est souvent cité au même titre que Binchois à propos de la chanson bourguignonne.

Busnois : Est-il merchy 

(Ref)
 



Le royaume de France

 
Jean Ockeghem (1410-1497) est originaire du Hainaut. Après avoir été au service du duc de Bourbon, il sera employé par les rois Charles VII, Louis XI et Charles VIII. Célèbre pour ses messes, il laisse aussi une œuvre profane constituée de chansons. Le canon Deo Gratias enregistré ici est une pièce virtuose à 36 voix qui fait étrangement penser à certaines partitions américaines contemporaines, ce qui n’est que pure coïncidence, mais aussi à certains des derniers canons de Bach, ce qui n’est pas fortuit.

 
Jean Ockeghem : Deo Gratias

A écouter ici : https://youtu.be/B4pVKbNeGhE
 
 
La France, berceau de la polyphonie, avait perdu sa prééminence dans l’art musical au XVème , l’apport des musiciens du nord permettra un renouveau de la musique à travers une nouvelle génération de compositeurs comme Clément Janequin ou Pierre Certon (+1572) auteur de chansons françaises et aussi de pièces religieuses comme cette messe dont la ligne mélodique est inspirée de la chanson “sus le pont d’Avignon”:

 


L’apogée

C’est avec Josquin Desprez (1440-1521) “Princeps musicae”, né en Picardie, que la polyphonie va atteindre des sommets. Il fut le compositeur le plus connu d’Europe aux alentours de 1500. De Milan à Rome, en passant par la cour de France, il renouvellera et complètera l’art polyphonique franco-flamand pour le porter à des niveaux stratosphériques tel ce “Qui habitat” à 24 voix :
 
(Ref)
 

A écouter ici :  https://youtu.be/8HPK-S8AkOU
 
 
Autre compositeur de la génération “classique” (terme replacé dans son contexte, bien sûr), Jacob Obrecht (1457-1505) est né à Gand . Il fut un spécialiste de la messe : il en a composé une trentaine. Sa carrière se partagera entre les anciens Pays-Bas et Ferrare.

 

Obrecht : Save Regina à 4

(Ref)
 
 

 

Pierre de la Rue (1460-1518) , compositeur préféré de Marguerite d’Autriche est né à Tournai. Il fut l’auteur de chansons (dont une a pour titre “Autant en emporte le vent”) et de messes dont le contrepoint est employé comme principe fondamental de la forme.

 

De la Rue : Sanctus à 5

 

Né à Roulers, Adrian Willaert (1490-1562) se fixera à Venise après des séjours en France, en Hongrie et à Ferrare. Willaert mettra au point le “style vénitien” dans lequel la déclamation homophonique, la restitution affective de certains mots prendront plus d’importance sans toutefois renier une écriture contrapuntique serrée.
 
Willaert : Ave Maria
 
L’héritier le plus représentatif de Willaert est sans doute Roland de Lassus (1532-1494), né à Mons. Ce dernier étudiera en Italie dès 1544. Formé au style vénitien, il fera paraître ses premières compositions avec l’annotation : “faictz a la nouvelle composition d’aucuns d’Italie”, ce qui montre bien que le coeur européen de la polyphonie s’est déplacé vers la péninsule italienne. Il fera carrière à la cour de Munich, ce qui ne l’empêcha pas de sillonner l’Europe durant toute sa vie. Le Kyrie enregistré ici est tiré de la messe à 5 voix “Susanne un jour”. Comme de nombreuses messes, celle-ci prend pour thème de base une mélodie populaire à son époque. Ce procédé maintes fois employé finira par être critiqué par la hiérarchie catholique qui ne voyait pas toujours d’un bon oeil l’emploi de chansons parfois lestes comme cantus firmus de messes.

 
 

Nous voici en Espagne où Pierre de Manchicourt (Gand 1547, Madrid 1586) terminera sa carrière comme maître de chapelle de Philippe II. Comme le reste de l’Europe, l’Espagne a subi l’influence des grands polyphonistes tout en développant une musique originale encore actuellement peu connue (hormis les travaux de Jordi Savall).

 
Manchicourt : Laudate Dominum

(Ref)
 
A écouter ici : https://youtu.be/4cMQ6fOVpe0
 

Les héritiers

L’on a bien compris que l’innovation musicale s’est déplacée vers l’Italie. Le Concile de Trente préconisant une meilleure lisibilité dans la musique liturgique et l’apparition de nouveaux goûts amèneront les nouveaux compositeurs à plus de simplicité dans le contrepoint et à plus de clarté au niveau du mot.
Palestrina (1526-1594) est le parfait exemple du compositeur italien formé à la polyphonie de l’école franco-flamande qui se pliera au nouveau goût en matière d’écriture musicale. Il préparera la voie à d’autres musiciens qui, sur le terreau de la science musicale défunte des maîtres du nord, feront fleurir le nouvel art de la musique baroque.
 
Palestrina : Agnus Dei

(Ref)


En dehors des livrets de CD de ma collection de disques, j'ai consulté l'ouvrage incontournable sur le sujet : La Polyphonie franco-flamande par Ignace Bossuyt, éditions du Cerf.

En ce qui concerne les disques, Naxos Classical propose dans sa collection "Early Music" de nombreux disques de Polyphonie Franco-Flamande dans des interprétations de qualité pour moins de 10 euros la plupart du temps mais le must du must, ce sont les travaux du Huelgas Ensemble de Paul Van Nevel dont je ne peux que recommander l'incroyable chef d'oeuvre : Utopia Triumphans, hallucinant voyage au pays de l'extrême polyphonie (pièces comptant jusqu'à 40 voix !)
 

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Annonce

Par Le Lutin d'Ecouves - 12-10-2007 08:02:45 - 3 commentaires

Avisse à la populationg...

 
 
 
Le Lutin est en passe de mettre la dernière main à son opus ultimum.Bientôt, vous saurez enfin ce que veut dire "Polyphonie Franco-Flamande".
De l'action, du suspense, de la culture...
A bientôt sur le blog du Lutin !

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Entraînement de nuit

Par Le Lutin d'Ecouves - 10-10-2007 00:13:06 - 11 commentaires

 
Mardi, c'est le jour d'entraînement spécial merlans. Nous sortons après la fermeture des salons de coiffure et rentrons souvent vers 21heures. Les deux coiffeurs, les femmes et d'autres coureurs plus occasionnels participent à cette virée vespérale.
 
Depuis septembre, nous continuions nos galopades sur le bucolique circuit d'été, le temps était au beau et les entraînements avaient encore un parfum de vacances.
 
Ce soir, c'est la première fois que nous reprenons notre circuit urbain. Drôle de reprise : Allain et sa femme sont forfaits pour cause de crève et ma Josette a mal à la gorge. Le jeune Philippe s'est blessé au semi d'Argentan et Reinette ne sort pas par temps de pluie.
 
Me voilà courant dans les rues de la cité en compagnie d'Hervé, jeune V1 et nonobstant coiffeur. L'automne a étendu ses voiles de douce mort pour la première fois sur notre tendre Normandie et je la sens frémir. Ce n'est pas le froid, ce n'est pas la peur, c'est le simple plaisir d'être.
 
La pluie tombe sans discontinuer, la pluie qui enfouit la vie petit à petit dans le sol pour qu'elle rejaillisse un autre jour dans toute sa modeste splendeur.
 
Le grand blond et le petit brun sont aux anges, il pleut, leurs vêtements sont trempés et ils sourient. L'eau pénètre les vêtements, l'eau pénètre les âmes et nettoie les corps fatigués par le travail, la vie ou la douleur d'exister.
 
L'allure est souple et soutenue mais sans fatigue; la fraîcheur est pour nous économie d'énergie, l'humidité est pour nous respiration facilitée.
 
Nous cheminons à bonne allure parmi les quartiers déserts de la cité somnolente : Le marais, le ghetto, le cimetière, la vieille ville. Les rares passants que nous croisons ne comprennent pas notre bonheur; soit ils proviennent de plus glorieux soleils, soit ils ont oublié le subtil frisson occasionné par l'amoureuse morsure du froid.
 
La parole est là mais les calembredaines habituelles cèdent la place à d'apaisées discussions.
 
Enfin, face à l'église flamboyante, nous sacrifions au rite du sacro-saint sprint sur les pavés dont les plus vieux connurent l'enfance incroyablement lointaine du Lutin.
 
Je serre la main à celui qui fut pendant une heure un peu plus qu'un camarade par la magie d'une osmose silencieuse.
 
La pluie redouble d'efforts pour me combler et je choisis de parcourir le dernier kilomètre solitaire en marchant. Je veux ressentir plus intensément la nuit, le silence, la pluie, le froid...
 
Mes muscles se relâchent, mon esprit s'ouvre encore plus; je me laisse pénétrer par l'automne...

 

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La Culture, c'est comme la confiture...

Par Le Lutin d'Ecouves - 06-10-2007 10:11:00 - 10 commentaires

L'autre jour, j'étais dans une salle d'attente et je suis tombé par hasard sur cet article de l'Express datant de juin :

Durant la campagne présidentielle, Hervé Morin s'est adressé à Claire Gibault députée européenne proche de Bayrou et chef d'orchestre dans le civil pour lui demander : "J'ai entendu l'Adagio d'Albinoni, c'est superbe, de qui est-ce ?" Et Claire Gibault, devenue depuis membre du MoDem tandis que Morin a été nommé ministre de la défense de Nicolas Sarkozy, de répondre : "C'est comme la couleur du cheval blanc d'Henri IV."



Là, vous voyez le gars, il a une bonne tête de victime.

Là, vous riez et fustigez le pauvre troufion qui n'a pas le droit d'accéder à la Culture car ce n'est qu'un béotien ignare qui pue des pieds.

Eh bien, vous vous trompez ! L'Adagio d'Albinoni n'est pas d'Albinoni !

Le Lutin qui est un amateur, entre autres, de musique baroque a tout de suite vu le gag : Le fâââââmeux Adagio d'Albinoni est un faux, madame ! C'est une composition de 1945 due au musicologue Remo Gaziotto, inspirée de fragments d'une sonate en trio d'Albinoni (1671-1750-51).


Madame Gibault, tout chef d'orchestre qu'elle est, s'est pris les pieds dans la baguette. Cela ne m'étonne pas, j'ai rencontré de nombreux musiciens peu cultivés en matière de musique. Ce n'est pas un paradoxe car la musique est un art tellement exigeant que la spécialisation dans un domaine instrumental ou autre exclut souvent la connaissance générale par manque de disponiblité.

Curieux comme un Lutin et féru de toutes les cultures, je n'ai moi-même pas toujours échappé à ce mal appelé pédantisme dont est atteinte Madame Gibault ainsi qu'une bonne partie de nos élites intellectuelles. Le sport, lieu de brassage social, m'a aidé à recentrer mes idées et à respecter autrui pour ce qu'il est et non pour ce qu'il sait. Et je peux vous dire que pour un enseignant, c'est une sacrée bouffée d'oxygène !

Pendant qu'on y est, le Concerto d'Aranjuez, il est de Rodrigo (1901-1999) mais le canon de Pachelbel est bien de Pachelbel (1653-1706). (Ça y est, je ressors la confiture...)

Quant au véritable Adagio d'Albinoni, le voici; c'est le deuxième mouvement d'un concerto pour haubois de l'opus IX prenez le temps de l'écouter et laissez-vous bercer par ce rythme de barcarolle (rythme vénitien du roulis de la barque) :

 

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

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