Etape 13 : Pirou-Agon Coutainville - 24 juin 2019 - 16 km La dernière de nos quatre heures de pluie en seize jours, nous partons de Pirou sous une gentille averse dont l'eau est aussitôt absorbée par la dune.
Le paysage ne va plus beaucoup varier lors des dernières étapes, le GR se contentant de traverser les immenses dunes et de contourner les havres, celui de Geffosses ne présentant aucune difficulté puisqu'un pont le franchit, nous privant par cela de la vue de tadornes de Belon, de vanneaux huppés, de traquets motteux et autres gravelots à collier interrompu.
Arrivés au niveau de Gouville, nous passons par les fameuses cabanes à toit coloré inscrites au patrimoine local. La pluie s'est arrêtée mais le temps gris ne permet pas de faire de photos correctes des alignements de ces très jolies constructions dont l'histoire remonte au début du XXème siècle.
Le pique-nique se fait près d'un gabion datant du XVIIIème siècle. Ce genre de petite construction servait d'abri aux douaniers qui surveillaient les côtes très fréquentées par les contrebandiers.
Le havre de Blainville qui suit nous oblige à bifurquer dans une zone industrielle en grande partie consacrée à la conchyliculture et à l'ostréiculture. Quand nous retrouvons la côte, c'est pour tomber directement sur Agon-Coutainville que j'ai du mal à reconnaître : une bonne partie du sable du front de mer a disparu et d'énormes enrochements protègent désormais les villas du front de mer sur plusieurs kilomètres. Ayant vu l'océan à l’œuvre en Aquitaine pendant une vingtaine d'années (surtout au Médoc où la mer avançait d'un à deux mètres par an), j'ai conscience que ces murs contre l'océan ne sont que fétus et que ces maisons sont à terme condamnées.
Depuis le début de notre aventure, nous avions l'habitude de dire bonjour aux personnes que nous rencontrions comme nous le faisons systématiquement en notre bonne forêt d'Ecouves. Que ce soit vers Barfleur, la Hague ou sur les dunes de Lindbergh, nous avions toujours reçu un salut en réponse. Et voilà que les passants croisés ne répondent pas à nos civilités, fuyant même notre regard. Perplexes, nous gagnons notre hôtel où une belle Coutainvillaise nous accueille chaleureusement.
Nous avons l'explication de ce soudain refroidissement le lendemain quand, m’enquérant de la singularité des mœurs locales, un jovial natif me renseigne enfin : "C'est normal, vous avez dû rencontrer des Parisiens, ici il y en a plein et c'est eux qui achètent toutes les maisons en bord de mer."
Etape 14 : Agon Coutainville-Montmartin sur Mer - 25 juin 2019 - 25,5 km
Cette étape n'est rien d'autre que le contournement du havre de Regnéville au sud d'Agon. Vingt-cinq kilomètres de détour à cause d'un détroit de cinq cents mètres de long à marée basse mais vingt-cinq kilomètres d'une magnifique nature sauvage...
Jusqu'au pique-nique du midi, nous ne rencontrerons absolument personne lors de ce long contournement, et pour cause : le chemin a peu d'accès et le terrain est particulièrement sauvage. Il faut parfois un peu d'imagination pour se croire sur un sentier balisé...
Photo Josette
De marécages en prés salés, nous ne franchissons le fleuve Sienne qu'au bout de trois heures au pont de la Roque où nous pique-niquons.
La deuxième partie du tour du havre se fait essentiellement sur des prés salés où il devient vite impossible de ne pas marcher sur les crottes de mouton.
En arrivant à Regnéville, il se met à faire soif, la température atteignant les 20 degrés, nous ignorons à ce moment qu'à Alençon commence une canicule et qu'il y fait déjà 30 degrés. N'empêche avec un sac à dos, vingt degrés c'est beaucoup et nous nous attablons à la terrasse du bar local partiellement occupé par les grand-mères du club de tricot local.
Le village est bien agréable et il possède les vestiges historiques d'un glorieux passé comme une forteresse en ruine et des fours à chaux mais il nous faut partir vers notre gîte situé en plein marais entre la mer et le canal de Passerin.
Plus isolé tu meurs... mais la mer est à 500 m. Il est des jours où l'on regrette de ne pas rester un peu plus tant l'accueil est chaleureux et le pays serein. Le soir venu, il nous faut trouver à manger et le premier restau est à deux bons kilomètres au sud... les pieds font un peu la moue. Des voisins de gîte habitant l'Orne comme nous nous proposent gentiment de nous véhiculer. Quelle bonne idée !
Photo Josette
Dans le seul bar-restaurant ouvert de Hauteville Plage, nous sifflons avec volupté une bonne bière avant de nous régaler d'énormes brochettes de Saint-Jacques servies par un patron grand défenseur de l'histoire locale.
Etape 15 : Montmartin sur Mer-St Martin de Bréhal - 26 juin 2019 - 16,3 km
Notre voyage est bientôt terminé, il ne nous reste plus que le havre de la Vanlée à passer avant de nous rendre à Granville.
La moitié de la randonnée se fait sur la dune en ligne droite jusqu'à ce que nous arrivions au havre.
Celui-ci est à marée basse mais pas question de le traverser avec nos sacs à dos. Il faudra bien suivre le GR qui emprunte tant bien que mal des routes de campagne et des chemins parfois transformés en champ de poireaux ou de carottes par l'agriculteur local soucieux de rendement.
Au bout d'un moment, fatigués par les tergiversations d'un GR devenu aléatoire, nous descendons sur le havre lui-même jusqu'à ce que nous arrivions à la route inondable qui traverse la Vanlée.
En cette période de petites marées, la route est dégagée toute la journée et les prés salés sont investis par les moutons.
Le camping de la Vanlée est immense et peu habité, notre tente est spartiate mais convenable. Cette étape ayant été parcourue d'un seul tenant, nous mangeons notre boîte de sardines avec un reste de pain comme repas de midi, pensant trouver à manger pour le soir à St Martin.
Eh bien non, le calendrier est sans pitié : nous ne sommes pas encore le 1er juillet et tout est fermé le soir. Au bar PMU, le patron nous dit d'aller voir à Coudeville, deux km plus au sud "Allez voir, y'a le gars qui fait d'la moto. C'est ouvert sept jours sur sept, y s'appelle Laurent."
Effectivement, nous trouvons le Laurent dans un petit local proche d'un parking qui nous fait à manger pour dix euros par personne boissons comprises. Et en plus, c'est bon. La dernière fois que j'ai mangé pour ce type de tarif, c'était au Maroc.
Etape 16 : St Martin de Bréhal-Granville - 27 juin 2019 - 11 km
Ce n'est pas vraiment une étape mais un sas. Après avoir traversé des pays sauvages et souvent déserts, nous entrons à partir de St Martin de Bréhal dans une zone plus urbaine qui va jusqu'à Granville.
Au bout d'un moment passé le front de mer, nous finissons par couper par la plage, direction Granville que nous voyons au loin depuis le début.
Le voyage ne prend que deux heures et nous avons le temps de nous installer dans notre hôtel avant de ressortir en ville.
Granville a la chance d'être bien plus qu'une cité balnéaire même si ses plages sont très agréables. C'est une très ancienne ville corsaire et son carnaval est réputé. Granville est habitée... Toute cette vie qui grouille, toute cette agitation nous étourdit un peu après deux semaines de pérégrinations en couple.
Nous passons un moment dans une petite crique située sous la ville haute, nous y retrouvons un peu de calme avant de retourner à l'hôtel où nous faisons un bon gueuleton avant d'aller baguenauder sur la longue jetée du port.
Granville, 27 juin au soir...
(Statues de Philippe Olive)
Epilogue - 28 juin 2019
Notre voiture est à Picauville, près de Ste Mère Eglise à une centaine de kilomètres de Granville par le bus. Le ticket coûte la modeste somme de 2€30 et pour ce prix, on peut vous emmener à Cherbourg si vous voulez. Bon, il faut être patient d'autant qu'il faut changer à St Lô avec deux heures d'attente. Ça tombe bien, nous avons le temps.
En fin d'après midi, Jean-Yves nous attend à Ste Mère et nous achemine à Picauville où nous partageons un barbecue généreusement arrosé de vin blanc. Concernant la canicule, nous avons eu des nouvelles du reste de la France et je consulte à ce moment l'application météo de mon smartphone :
Merci à Sylviane, Jean-Yves, Françoise et Rémi pour leur aide et leur accueil.
Merci à mon épouse Josette sans qui ce voyage n'aurait pas eu de sens.