KikouBlog de Le Lutin d'Ecouves - Novembre 2016
Le Lutin d'Ecouves

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Archives Novembre 2016

FACE AU SOLEIL DE NOVEMBRE

Par Le Lutin d'Ecouves - 28-11-2016 20:56:03 - 9 commentaires

Amateur ou pas, chaque photographe a ses manies. Ceux qui suivent mon blog photo (une parution tous les deux jours) ont pu constater la plus évidente : dans 99% des cas, mes clichés ne sont effectués qu'avec des petits appareils (hybride, compact et même téléphone portable). Modestie ou suprême snobisme, là n'est pas le sujet de ce billet mais plutôt cette fichue habitude du contre-jour que j'ai développée depuis mon passage à la photo numérique. Ce mois de novembre, durant mes balades photographiques avec Tonton Gilles, je n'ai pas pu résister à cette sale manie. Résumé en neuf étapes :
 
 
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Premier novembre de feu froid en Ecouves, Tonton Gilles se tortille sous une branche pour prendre un cliché du carrefour du Chêne au Verdier ; je me mets juste à côté de lui et lui vole son idée mais mon petit compact Sony, un RX100, ne voit pas la même chose que son Reflex Canon :
 
  01-11-2016
 
Deux jours plus tard, nous franchissons la frontière ornaise sur quelques centaines de mètres pour nous aventurer sur les terres sauvages de la Mayenne à St Pierre des Nids. Juchés sur un barrage, nous photographions l'île de l'ancienne forge :
 
 03-11-2016
 
Puis j'entraîne mon compagnon à l'endroit où les départements de l'Orne, de la Sarthe et de la Mayenne se touchent en un point. De merveilleux pâturages nous ouvrent leurs vastes bras. Un éclair bleu et orange, le martin-pêcheur veut bien se montrer mais ne se laisse pas photographier. Le soleil de l'après-midi se répand sur les collines en direction de St Léonard-des-Bois :
 
 03-11-2016
 
Un dimanche matin en compagnie de mon épouse pour deux heures de marche nordique en Ecouves. Non loin de Radon, la quiétude et la grâce de ce petit chemin près de Radon me fait décrocher un bâton pour sortir mon plus petit compact, un Sony TX30, pas de possibilités de réglages, juste un silencieux clic-clac et l'automne est dans la boîte :
 
 13-11-2016
 
Des jours de ciel blanc plus tard, le soleil se met à nouveau à hanter les bords de notre monde. Je reprends mon RX100 si petit mais si malin. Il est 16h30 et le soleil peint hâtivement l'horizon d'orange et de gris. C'est à mon tour de signaler un plan à Tonton Gilles, nous prenons tous deux en photo le même arbre à proximité de la Fuie des Vignes :

27-11-2016

Le lendemain, le bleu domine. Il fait cinq degrés et le vent de nord-est nous chante l'hiver en balayant le ciel de son humidité. J'emmène mon compagnon photographe dans la Sarthe à cinq kilomètres de notre quartier de Courteille. Nous montons sur une modeste colline et regardons en direction d'Alençon :

28-11-2016

Quelques minutes plus tard, il est presque 17h, les couleurs changent de minute en minute. Un dernier cliché au même endroit avant le chocolat chaud :

28-11-2016

Mardi glacial, nous montons à Ste Anne de Champfrémont sur la colline de Multonne en Mayenne qui toise Ecouves par-dessus la plaine d'Alençon. Orienté au sud, le site ne manque jamais de lumière. En cette saison, il se prête idéalement à ma petite manie du contre-jour.
 
 29-11-2016
 
Le froid se fait très vif, Alençon entre déjà dans l'ombre pendant que les étangs de Ste Anne se gorgent encore de soleil. L'hiver vient.
 
 29-11-2016
 

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Si vous voulez vous évader...

Tonton Gilles ne s'appelle pas Gilles et il n'est pas mon Tonton, ça ne l'empêche pas de tenir depuis deux ans un blog aux textes poétiques, épiques ou intimistes.
 
Il tient aussi depuis peu un blog photo très prometteur.
 
Quant au Lutin, il a déjà publié plus de 300 clichés sur son blog photo
 
 

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ACTION RADICALE POUR SE DÉBARRASSER DE LA MENTALITÉ DE PRIMATE

Par Le Lutin d'Ecouves - 13-11-2016 19:57:22 - 4 commentaires


Le retour du roi (pourpre)
 
Radical Action To Unseat The Hold of Monkey Mind
 

Aux environs de 1972, je découvris avec une certaine stupéfaction la musique de King Crimson. Le groupe, âgé de seulement trois ans à l'époque, avait déjà produit quatre albums aussi polymorphes que renversants : In the Court of the Crimson King - In he Wake of Poseidon - Lizard - Islands.
 
A peine avais-je digéré ces œuvres complexes et fascinantes que  la deuxième vague arriva avec Larks' Tongues in Aspic, Starless and Bible Black et Red, trois albums produits en 1973 et 74. Deux autres vagues de trois albums déferlèrent ensuite en 1981-84 puis en 1995-2003 (voir discographie du groupe).
 
Puis plus grand chose depuis à part quelques live et autres expériences de Robert Fripp, la tête pensante et pivot du groupe.
 
Robert Fripp - Photo Greg Cristman
 
En cette année 2016, je pensais sincèrement que Fripp, arrivé à 70 ans, avait tourné la page et que le Roi pourpre était défunt. Que nenni !  Pour fêter l'entrée dans sa huitième décennie, King Robert a réuni d'anciens et de récents collaborateurs pour une tournée de deux ans (2015 et 2016) qui vient de déboucher sur un album live de luxe : Radical Action To Unseat The Hold Of Monkey Mind, un coffret de 3CD live + un Blu-ray en concert de 2h40min, le tout m'ayant coûté seulement 33 euros.

A priori, je m'attendais à un festival de Frippertronics et autres Soundscapes comme dans les productions du début des années 2000 où tout était piloté à partir des guitares qui pouvaient imiter la flûte, le hautbois et les nappes de cordes ou même parfois la voix. Depuis 1981, le groupe était devenu essentiellement métallique tout en gardant son extrême sophistication sonore et surtout rythmique.

Que nenni ! Le King Crimson cuvée 2015-16 revient sur des sons plus classiques avec, entre autres, le retour de Mel Collins qui assure (et pas qu'un peu) les parties saxo et flûte comme du temps des premiers albums. Un autre vieux compagnon, Tony Levin qui a partagé son temps entre Peter Gabriel et King Crimson, tient la basse. Voilà, avec Fripp, le club des 70 berges...

Pour cette rétrospective de luxe,  le Roi pourpre s'est adjoint trois batteurs (Pat Mastelotto, Bill Rieflin et Gavin Harrison) dont un tient aussi le clavier. Là, le clavier, on l'attendait ! Au départ, King Crimson avait bâti une partie de ses paysages sonores sur l'utilisation du mellotron, un drôle de clavier échantillonneur qui fonctionnait avec des morceaux de bandes magnétiques. Ce petit clavier pouvait ainsi reproduire la voix, les cordes, le hautbois, la flûte ("Strawberry fields forever" des Beatles) mais avait un gros défaut, les bandes s'abîmaient et devaient être changées régulièrement. Eh bien, Fripp a fait échantillonner le son du mellotron qu'il a ainsi ajouté aux claviers utilisés par lui-même et Bill Rieflin lors du spectacle. On est ainsi confondu d'entendre des classiques comme "Epitaph" et "The Court of the Crimson King" avec une telle précision, comme si 47 ans avaient été effacés d'un coup.

Ce bel édifice serait cependant bancal sans Jakko Jakszyk à la guitare et à la voix. Là, je tire mon chapeau car il opère un véritable tour de force en étant Greg Lake dans les morceaux des deux premiers albums, Boz Burrell dans la chanson tirée du quatrième et John Wetton dans les morceaux datant des années 73-74. 

Le tout fait une musique intensément Crimsonnienne d'une redoutable précision avec en plus la chaleur des instruments de Collins et de la voix de Jakszyk. Et ce n'est pas tout, Fripp nous octroie une trentaine de minutes de musique nouvelle ou récente (dont deux morceaux de son album A scarcity of Miracles - 2011).

Par respect pour ces grands artistes qui n'ont jamais cédé à la facilité, aux modes ou aux sirènes du Show-Biz, je ne mettrai pas mes morceaux préférés en ligne, dommage car la pièce triple "Radical action" vaut son pesant d'intelligence. Je me contenterai donc de vous présenter les deux (néanmoins excellents) extraits du show délivrés par la chaîne officielle de DGM live.

D'abord "Starless" qui concluait l'album Red :
 
 
 
Puis "Easy Money" de l'album Larks' tongues in aspic, un festival de percussion pourpre.

 
 
Un dernier détail : le concert se termine bien sûr par "21st Century Schizoid Man" à fond les manettes. Ô joie !
 
 
 

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LE MAUVAIS SORT

Par Le Lutin d'Ecouves - 07-11-2016 16:01:58 - 5 commentaires


Un long nez surmonté de deux petits yeux rapprochés et un béret crasseux vissé par là-dessus, le gars Camus ne payait pas de mine. Dans son village, c'était le simple d'esprit qu'on tolérait à cause du Père. Le Père, on le respectait grâce à ses dons de rebouteux ; il était effectivement très doué et on venait de loin pour le voir. Il avait appris ce métier dans un camp de prisonniers en Allemagne puis, à son retour, il avait repris sa petite ferme sur les hauteurs à quelques kilomètres d'Alençon tout en remettant les épaules ou les hanches dans le bon sens. J'avais moi-même eu affaire à lui pour un sévère torticolis qu'il avait effacé en deux passages du pouce. Vraiment, on le respectait pour cela... et on le craignait aussi car il se disait qu'il était un peu sorcier, qu'il possédait le Petit et le Grand Albert et que sa femme, qui était légèrement folle, tournait chaque soir une grosse pierre sur le haut de son armoire pour conjurer le sort.

Je le connaissais depuis mon enfance, le gars Camus ; il venait régulièrement chez Pépère et Mémé boire un café et en profitait pour pérorer des heures sur de supposés complots organisés par les "Gars d'la CGT" qui, c'est sûr, allaient faire parler d'eux un d'ces jours. Bizarrement, ces gars étaient présentés comme des héros positifs ou comme d'horribles malfaisants selon l'humeur de l'incurable bavard qu'était l’interlocuteur de mes grands-parents. De toute façon, ceux-ci ne l'écoutaient pas, Pépère parfois même s'endormait assis. Mémé lâchait alors l'horrible tricot au crochet qu'elle confectionnait pour lancer : "Ben Raymond, tu dors ?", ce qui le réveillait en sursaut mais ne perturbait nullement le débit du gars Camus perdu dans le flot délirant de son discours décousu.
 
Le gars Camus était inoffensif, toujours prêt à rendre service à mes grands-parents, de plus, il leur apportait souvent une salade, des radis ou des carottes selon la saison en paiement de leur supposée attention à ses interminables clabaudages qui finissaient invariablement par emplir sa bouche de fils de bave, ce qui me faisait penser à l'agonie du poisson fraîchement pêché terminant lamentablement sa vie sur l'herbe de la berge. Le gars Camus n'était ni sensé n beau ni ragoutant mais c'était un gentil. Il était content de voir du monde, de visiter ses "petits vieux" comme il disait.
 
Au bout d'un long moment, il finissait (tout d'même) par repartir non sans réinsérer de vieux journaux dans son paletot (Y'a rien d'mieux pour le froid") et d'enfourcher sa Mobylette en direction de la colline d'Héloup à deux pas d'Alençon.
 
Tout allait bien tant que le Père était encore vivant. On a beau être un célèbre rebouteux et un sorcier putatif,  on n'en est pas moins mortel. En quelques années, la Mère puis le Père furent emportés et le gars Camus se retrouva seul dans la ferme familiale. Il n'avait jamais vraiment travaillé mais la faiblesse de ses revenus était compensée par ses tout petits besoins. Il avait un toit, ça lui suffisait même si l'ancienne ferme devenait progressivement un sacré foutoir.
 
Le gars Camus continuait de sillonner la région sur sa mobylette, étant plus ou moins bien reçu ici ou là en fonction de la tolérance ou de l'éducation des gens visités. Cela dit, la mort du Père avait certainement ouvert une brèche dans l'esprit du fils qui, progressivement, se crut héritier des pouvoirs de son géniteur. C'est là que ses ennuis commencèrent. Dans tout le pays, il se vantait d'être capable de soigner par influence ou même de conjurer les sorts. De conjurer à jeter, il n'y a qu'un pas qu'il n'hésitait pas à franchir s'il se faisait rabrouer.
 
A Héloup, chacun savait qu'il était "simple" et on se préoccupait peu de lui, cependant, il lui arrivait bien quelques avanies comme lorsque, mécontent d'être expulsé d'un champ par un paysan, il lui balança du sel à la figure en lui disant :"Ton champ eh ben y f'ra qu'des orties, j'peux t'le dire !" En quelques passes, il jeta son sort et courut bien vite de peur d'avoir la fourche aux fesses. Le paysan n'était pas né de la dernière pluie et, la nuit suivante, il fit discrètement le guet dans sa parcelle prétendûment maudite. Bien lui en a pris, aux alentours de minuit, il vit le gars Camus arriver avec une grande pouche emplie de graines d'orties qu'il avait cueillies dans la soirée. Les semailles furent rapides et le gars Camus détala bien vite au premier coup de fusil chargé de gros sel.
 
On aurait pu en rester là mais la suite fut plus tragique. Dans les années soixante-dix, il y avait encore de nombreuses petites exploitations qui vivotaient et qui pouvaient sombrer au moindre problème. Les paysans qui les tenaient n'était pas encore les techniciens de maintenant et la mentalité de certains n'avait pas évolué depuis le XIXème siècle.
 
Les frères Hérisson, âgés d'une vingtaine d'années, n'avaient plus que leur mère pour les aider à tenir leur ferme. Et leur ferme, elle allait mal, les bêtes crevaient sans qu'on en devine la cause. Il s'agissait certainement de problèmes d'hygiène et peut-être aussi de malchance mais la mère ayant bourré le crâne de ses fils d'histoires de "j'teux de sorts", ils préféraient croire qu'on les avait envoûtés. Comme ils avaient déjà eu des différends avec le gars Camus pour des broutilles, le sorcier était tout trouvé. Par contre, dénicher quelqu'un pour conjurer le sort était une autre paire de manches...
 
Il faut dire qu'un sort, c'est dangereux pour celui qui le lance et pour celui qui le renvoie. C'est comme s'il était attaché à un gros élastique : si tu le lances et qu'on te le renvoie, tu le prends dans la figure et si tu le renvoies et que tu rates ton coup, le sort il te saute amont le dos. Pas facile.
 
La famille Hérisson en était à ce type de réflexions alors qu'elle regardait "Les cinq dernières minutes" avec le commissaire Cabrol et l'inspecteur Ménardeau ce soir du 28 février 1976. L'épisode intitulé "Le collier d'épingles" déroulait une intrigue policière autour d'une sombre histoire d'envoûtement dans une région dite "reculée"... Cette histoire pépère pleine de poncifs sur un monde paysan déjà disparu était bien anodine mais les fils Hérisson, à bout qu'ils étaient, la prirent au premier degré et, encouragés par la mère, prirent un fusil et se dirigèrent vers Héloup en pleine nuit.
 
Le gars Camus ne fermait jamais sa porte et c'est silencieusement que les frangins pénétrèrent dans sa maison, crevant de trouille à l'idée que le sorcier se réveille et leur jette un ultime et mortel sort. Une décharge de chevrotine en plein visage mit fin à l'existence du pauvre gars, il avait cinquante ans. Un innocent tué par deux simplets. Trois vies gâchées.
 
Les deux frères furent vite confondus et avouèrent leur crime. Ils furent lourdement condamnés. On laissa leur mère tranquille bien que celle-ci maintint à l'audience que ses garçons avaient fait ce qui devait être fait.
 
La presse nationale fit de cette affaire une croustillante histoire de sorcellerie au pays des cul-terreux, nous faisant tous passer, nous Ornais, pour des sauvages incultes et superstitieux. Les journaux parisiens adorèrent, ils en rajoutèrent en faisant du gars Camus un inquiétant sorcier régnant maléfiquement sur une population d'ignares. C'est en rabaissant les autres que certains aiment se voir grands. Le gars Camus ne méritait pas ça, notre région ne méritait pas ça, même les frères Hérisson ne méritaient pas ça.
 
Le bruit finit par s'estomper et quarante ans après, il n'y a plus grand monde à se rappeler l'affaire, à peine quelques mentions dans deux ou trois ouvrages sur la sorcellerie. Et mon souvenir d'un gars pas bien malin mais inoffensif qui apportait des légumes à mes grands-parents et s'enfonçait quelques heures plus tard dans la nuit au guidon de sa Mobylette.
 
 



Extrait de Télé 7 jours pour le programme du 28 février 1976
 

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