Pas facile le Antoine... on l'a souvent comparé à Marin Marais mais si ce dernier était surnommé "l'Ange", Forqueray était appelé "le Diable" eu égard à son style vif et audacieux mais aussi à cause de son caractère pour le moins ombrageux.
Qualifié de "quinteux, fantasque et bizarre" par Hubert le Blanc dans son célèbre traité "Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle", le sieur Forqueray était pour le moins batailleur : accusé par sa femme d'adultère, il n'hésita pas à contre-attaquer en retournant l'accusation contre son épouse qu'il poursuivit en justice sous le prétexte qu'elle fricotait avec le sieur Picon, celui-là même qui lui prêtait ses appartements pour qu'il y donnât ses concerts de viole. Débouté en justice, Forqueray fut condamné aux dépens et une séparation de corps fut prononcée.
Ses démêlés familiaux n'en restèrent pas là, probablement jaloux du talent de son fils Jean-Baptiste qui était aussi prodigieux violiste que son père, Antoine essaya de le faire embastiller (en fait à la prison de Bicêtre) sous prétexte de mauvaise conduite ("... eu le malheur d'avoir un fils nommé Jean-Baptiste âgé de 26 ans qui des sa jeunesse a tourjours fait paretre une inclination pour le jeu, les femmes, le vol...") puis de le faire bannir du royaume. La peine de bannissement fut cependant annulée grâce aux nombreux soutiens du fils.
Le conflit dut s'atténuer car, à sa mort, Antoine légua ses plus belles violes à son fils et Jean-Baptiste procéda à la publication des pièces de viole de son père, travail que celui-ci n'avait pas daigné entreprendre.
La pièce présentée ici, "Jupiter", est caractéristique du style original et fougueux, parfois dissonant de Forqueray qui nous y assène par moments force coups d'archet pour y figurer les traits de foudre lancés par le roi des dieux.