Anecdotes et pataquès
Lors de mon passage de quelques années au sein d’une école en zone « sensible », j’avais pris l’habitude de noter les bons mots de ces enfants des cités à la spontanéité parfois crue et toujours surprenante. Le travail dans ces classes était dur et souvent stressant ; il fallait bien se détendre un peu… aux dépens des élèves et parfois de leurs parents.
Je passerai sur les insultes bariolées que les élèves se lançaient en classe sans se soucier de la présence du maître (Face de cul de mammouth !) pour livrer une sélection de mots et d’anecdotes à l’humour involontaire.
*Début d’année en géométrie, je fais sortir le matériel et je demande comment on appelle cet instrument semi-circulaire qui sert à mesurer les angles.
« M’sieur, M’sieur ! Le menteur M’sieur dit Y…, un blondinet plutôt speed.
- Le menteur ???
- Ben oui, le menteur… euh, non le rapporteur, M’sieur, c’est pareil ! »
*Leçon d’histoire en CM1 sur la guerre de Cent Ans, H… lève la main, c’est un des rares bons élèves de la classe ; je le lance sur la Pucelle d’Orléans :
« Jeanne d’Arc est morte sur un buffet ! »
*Autre leçon d’histoire et c’est S… qui lève la main. Pour une fois qu’elle intervient pour dire autre chose qu’un gros mot, écoutons-la :
« Ouais, ben les Romains, ils parlaient le Lapin ! »
*Les parents ne sont pas en reste comme la maman de S… précédemment citée qui m’adresse un mot pour demander que je serre la vice à sa fille ou cette autre maman qui me dit, en parlant de sa fille, qu’on lui donnerait le Bon Dieu sans profession…
*Les enfants avaient parfois de surprenantes analyses qui n’étaient pas si sottes comme D…, un petit Hmong souriant qui me dit un jour, alors que nous parlions de la famine en Somalie :
« Ben, le Somaliens, ils n’ont qu’à venir ici pour manger à leur faim ! »
La logique même.
*Parfois, ces facultés d’analyses dérapaient un peu comme dans le cas de C… qui assurait en sciences que les vaches et les taureaux ne pouvaient pas faire de bébés car ils ne pouvaient pas s’embrasser ou dans celui de J… (un fan de Johnny Halliday) qui, un jour de coupure d’électricité dans le quartier, affirma que c’était à cause de ses parents qui ne payaient pas leur facture EDF.
*En ce qui concerne la religion, sujet abordé en histoire, ce n’était pas toujours facile à démêler entre les Musulmans qui m’affirmaient que le Prophète récitait déjà le Coran dans le ventre de sa mère, les Asiatiques qui changeaient de religion en fonction du pays traversé («oui, j’étais bouddhiste à Hong-Kong puis on est allés chez un oncle en Amérique, on était protestants et puis ici, on est catholiques») et les Chrétiens qui ignoraient souvent jusqu’au nom de leur propre religion comme T… qui devint plus tard un excellent footballeur et qui répondit à ma question : « Mais, qu’est-ce que tu as appris au catéchisme ???
- J’ai appris que plus il fait froid, plus on se rapproche de Noël. »
*Certaines perles tombaient parfois par écrit comme ce petit travail de recherche que F… fit sur la cellule en sciences qui donna cette définition :
- Cellule : petite chambre de religieux dans un monastère.
Ou cette simple faute d’orthographe d’A… petite fille sage qui écrivit à propos d’une courbe de population au 20ème siècle : « On observe des baises pendant les guerres. »
*Mais la plus belle bourde fut de mon fait :
H…, un petit marocain très studieux que je choyais comme une perle rare, avait cependant un petit défaut : il faisait des fautes de copie. Sentant son fort potentiel, je le félicitais souvent pour son travail mais ne lui passais rien en ce qui concernait l’orthographe. Corrigeant la leçon de grammaire sur les formes active et passive, je relevai une fois de plus une faute d’inattention et lui dis d’une voix forte ma façon de penser :
« Fais donc attention H…, tu as oublié un C ! Ça ne veut rien dire : « A la forme active, le sujet fait l’ation !!! »
Nom d’une pipe ! J’aurais mieux fait de me taire !