Par Le Lutin d'Ecouves - 31-01-2008 22:00:24 - 7 commentaires
La Musique Européenne au Moyen-Age
Episode 5
Je ne résiste pas à l'envie de vous proposer un nouvel extrait de ces cantigas mais celui-ci est particulier : il s'agit d'une interprétation instrumentale d'une de ces pièces.
Celle-ci peut nous donner une idée de ce que pouvait être un "boeuf" entre instrumentistes au moyen-âge. La pièce interprétée ici est basée sur le thème de la Cantiga 206, la technique utilisée n'est pas si loin de celle utilisée par les musiciens de jazz. En tout cas, ça déménage bien !
Cantiga 206
interprétation instrumentale
Les illustrations sont extraites du manuscrit original qui est une véritable mine concernant l'instrumentarium médiéval.
Par Le Lutin d'Ecouves - 24-01-2008 22:57:06 - 7 commentaires
Konoko
Elle se méfiait toujours un peu de mes réflexes imprévisibles mais finissait quand même par accepter le randori après quelques mimiques exprimant à la fois l’agacement et l’amusement. Elle savait le lien qui nous unissait, jamais exprimé, jamais écrit, jamais effleuré mais toujours présent. Un fil ténu sur lequel nos sentiments réciproques dansaient en équilibre instable le fantôme d’une pavane faite de mensonges inavoués et de vérités muettes.
Son regard intense croise fugitivement le mien la seconde précédant le sonore « Hajime ! » qui ouvre les portes du combat et ferme son regard.
A ce moment précis, elle rentre en elle-même et ses yeux n’expriment plus que le vide intense de la concentration.
Le Kumi-Kata (saisie), pour des judokas expérimentés est fondamental. Avec Konoko, c’est toujours perdu d’avance. Impossible d’imposer ma garde à droite avec le pouce dans le col. Telle une chatte défendant ses petits, elle agite ses mains et tord son cou jusqu’à ce que j’accepte une saisie bancale qui ferme la porte à l’Haraï Goshi foudroyant et ô combien brutal que j’inflige généralement aux garçons imprudents ou simplement téméraires.
Chacun a un « spécial », c'est-à-dire une technique favorite. La mienne c’était Haraï Goshi Maki Komi. Pour faire simple, je fauchais la hanche de mon adversaire pour le faire basculer devant moi puis je lui retombais dessus, généralement sur les côtes.
Ne faisant qu’une soixantaine de kilos, je cassais peu de monde ainsi mais le peu de finesse de mon judo attirait souvent des remarques de mon prof et ami qui me répétait à l’envi :
« Ce n’est pas le Judo que je t’enseigne mais, puisque ça marche … » et il haussait les épaules.
Konoko connaissait tout cela par cœur et sa grande science du Kumi-Kata la mettait à l’abri de la fougue d’un ours coincé dans le corps d’un loup-cervier.
Premier balayage maladroit de ma part. Le retour de mon pied est précédé par un sifflement puis un petit cri aigu. Le signal : je suis en danger, j’ai un dixième de seconde pour changer ma position. Je plante mon pied profondément dans le tatami. Un claquement. Konoko n’a pas réussi son contre. En échange, j’aurai un bleu à la base de la cheville. J’ai encore un dixième de seconde pour enlever mon pied. Je le fais en profitant indûment de la différence de poids : je fixe mon adversaire d’un coup sec des deux mains et je me dégage.
Entrée en matière on ne peut plus classique ! La moitié de nos confrontations commençait ainsi. Il faut dire que Konoko m’avait accompagné ou plutôt, c’était moi qui l’avait accompagnée sur les tatamis depuis de nombreuses années.
Cela avait commencé à l’époque où, adolescents incandescents, nous passions le plus clair de nos loisirs à répéter cent, cinq cents, mille fois le même mouvement jusqu’à ce que notre cerveau reptilien l’intègre, jusqu’à ce que notre moelle épinière se mette à penser, jusqu’à ce que les neurones de notre système digestif libèrent l’énergie du Hara.
Ces séances d’Uchi Komi suivies par des séries de Nage Komi lors desquelles nous chutions chacun au moins deux cents fois en quelques minutes nous vidaient l’esprit des miasmes de la vie quotidienne et faisaient couler dans nos corps de coruscants fleuves d’énergie en fusion.
Ces entraînements qui pouvaient durer trois heures se terminaient toujours par des combats d’entraînement, des randoris qui nous laissaient hébétés et légers à la fois. Enfin, pas tous.
Konoko avait une faculté de récupération surprenante. Alors que comme beaucoup, je finissais la soirée dans mon lit, écoutant un vinyle de Pink Floyd pour prolonger l’état quasi-hypnotique dans lequel l’entraînement m’avait plongé ; Konoko sortait en boîte avec sa sœur aînée. La danse était pour elle un besoin et sa fontaine d’énergie s’y déversait telle une cascade de vie.
Morote ! Le classique des classiques mais à genoux ! J’ai beau ne pas être très grand, lorsqu’un petit bout de femme me rentre une telle prise au ras du sol, cela représente un sacré appel d’air !
Tant bien que mal, je glisse sur le côté droit pour éviter le pion retentissant. Le problème, c’est que Konoko a conservé mon bras et ça, c’est définitif trois fois sur quatre ! Nous sommes au sol, je suis donc en danger malgré mes douze kilos de différence. Konoko est la spécialiste du Juji Gatame, une clé de bras en croix redoutable qu’elle sait faire dans n’importe quelle position. Une alarme tonitruante sonne dans mon corps, j’ai deux secondes tout au plus pour me dégager.
Juji Gatame ! Au club, nous connaissions bien ce spécial de Konoko même si nous avions du mal à l’éviter. En compétition, cela faisait des ravages…
Je me rappelle d’un championnat de ligue lors duquel j’avais échoué une fois de plus au pied du podium à la suite d’une chute mal réceptionnée qui m’avait valu un détour vers l’hôpital.
Arrivé en Judogi dans le couloir des urgences, je vis trois filles dans la même tenue que moi, la ceinture noire passée autour du cou nouée en soutien d’un bras.
Je leur demandai naturellement ce qui leur était arrivé.
C’était Konoko et son foudroyant Juji ! Les trois combattantes avaient commis l’erreur de résister à la clé plus de deux secondes. La sanction était tombée : une petite luxation du coude pour chacune d’elles. La prochaine fois, elles penseraient à abandonner plus vite.
Une traction brutale délivre mon bras de l’emprise de Konoko mais je ne suis pas complètement hors de danger. Alors que j’essaie de me mettre à genoux, les jambes de ma partenaire enserrent le haut de mon buste. Konoko se rapproche et tente un étranglement de face. Là, elle est un peu présomptueuse. Je suis quasi insensible aux étranglements. Je tends le bras pour couper l’effort de sa prise…C’était un piège ! Son pied passe derrière ma tête, mon bras est tiré en avant : Sankaku Gatame, le triangle infernal. Les cuisses de la guerrière bloquent ma respiration. Je suis comme un nouveau né pris dans un étau. Des muscles longs et durs comme des fibres d’ébène exercent une terrible pression sur ma carotide gauche alors que mon bras en extension gêne considérablement ma respiration, la clé n’est pas loin et je suis à deux doigts de l’immobilisation totale.
Je me maintiens tant bien que mal sur le côté et je m’enfonce en moi-même. J’attends que la pression exercée par les jambes diminue pour avoir l’opportunité de me dégager. Je commence à ne plus voir qu’un voile rouge mais je grimace cependant un sourire.
Un soupir, Konoko relâche sa prise et se met debout. La couleur violette de ma face grotesquement souriante l’a découragée. Je tousse et me relève.
« Tu n’es pas sérieux me dit-elle, toujours à faire le guignol, ça me déconcentre… »
Elle me touche le bout du nez et me sourit. Puis son regard disparaît à nouveau.
J’ai eu ma chance. Je n'avais pas loin de dix-huit ans. Je sentais bien qu’un courant passait entre nous lorsque nous rentrions à pied en direction de notre lotissement.
Trop de timidité, trop de proximité, trop de scrupules. J’avais laissé passer le temps et le temps s’était vengé.
Elle l’avait rencontré, Lui. Il dansait merveilleusement et s’était mis au Judo où il excella rapidement.
Nos destinées divergèrent de nombreuses années jusqu’à ce jour où elle me retrouva pour m’inciter à créer un club avec l’aide d’anciens amis. Pascal, un ancien de la bande d’ados furieux qui était maintenant cinquième Dan assurerait les cours.
Konoko retrousse sa manche droite avant d’attaquer. Je remarque une fois de plus à quel point elle a maigri. Elle était déjà mince, maintenant elle est carrément maigre. Elle arrive à saisir le haut de mon col. Je sens l’Uchi Mata saignant se profiler à l’horizon…
Quand je lui demandais si elle n’avait pas un peu maigri, Konoko me disait que c’était à cause de sa conversion à la course à pied.
A cette époque, j’étais devenu un judoka médiocre doublé d’un coureur passable. J’avais créé, avec l’aide d’une association de quartier, une petite corrida sympathique et j’incitais tout mon entourage à y participer.
« Je viendrai, je m’entraîne pour ça, me disait-elle.»
Et comme elle ne faisait pas les choses à moitié, elle courait soir et matin comme si quelque chose ou quelqu’un la fuyait, comme si sa vie en dépendait. « Je viendrai, ne t’en fais pas… »
Je me contracte, je me penche légèrement en avant. Erreur de débutant. Konoko bascule subitement et sa jambe droite fauche l’intérieur de ma cuisse alors que son corps pivote en équilibre sur un pied. Uchi mata ! Je fais un soleil et me retrouve sur le dos dans un concert de cris et de rires. Tout le club s'esclaffe : je me suis encore fait rouler dans la farine. Toutes ces années de Judo et je me fais toujours avoir !
Dès que j’ai repris ma respiration, je me mets à rire. Konoko rit aussi puis son regard se voile.
Le cours se termine, Konoko touche à nouveau le bout de mon nez avant d’aller se rhabiller.
Deux jours plus tard, j’apprenais que Konoko avait fait le grand saut, nous laissant tous face à un abîme insondable de questions indicibles.
Damien, le seul d’entre nous qui avait fait une carrière internationale de judoka descendit de Paris dès le lendemain et resta pour l’enterrement qui nous vit tous sanglotants et hébétés face à cet événement vide de sens.
Il me fallut des mois pour comprendre la vérité. Konoko avait été trahie. Depuis des années, elle avait bâti sa vie toute droite, bâti son couple, bâti sa famille, bâti sa maison.
La vie d’une combattante ne s’accommode pas de la trahison.Tout s’effondrait autour d’elle, elle ne trouva pas d’issue.
Un été aux sentiments brumeux suivit cet événement. La rentrée du club fut plus que pénible pour les proches de Konoko que nous étions.
Dès que j’ai mis le pied sur ce tatami si froid, si terne, je sus que c’était fini. Je resterai encore quelques années mais quelque chose s’était brisé.
Par Le Lutin d'Ecouves - 21-01-2008 19:33:33 - 9 commentaires
Une minute plus tard, Sylvie arrive, assurant comme d'habitude sa première place V1.
Surprise ! Simone n'arrivera pas seule. Elle a eu un coup de mou et c'est accompagnée de sa copine Mireille qu'elle franchira l'arrivée.
Mireille laissera cependant la première place V2 à Simone. Amitié, respect pour une championne ou les deux ?
De voir tout cela, ça m'a ragaillardi ! En plus, mon Mustang est venu élégamment vêtu pour soutenir les copains et faire de photos.
Remarquez ses bottes de trail : le chic absolu !
Le départ ! Allain et moi, sommes partis sans le savoir pour faire notre cross le plus rapide de la saison.
Allain, c'est la classe... Je ne dirai pas son âge vu qu'il ne lui reste plus
qu'une saison 1/2 à faire en V2... Oups, j'ai gaffé !
C'est rapide, c'est très rapide ! Il faut dire que le terrain est plat, juste une butte à grimper trois fois. Autant dire, rien...
Ricounet, le mari de Sylvie m'a doublé dès le début, il fera son cross à une moyenne de 4mn au kilomètre. C'est plus du cross, c'est de la route !
Allain me suit toujours, il ne sera jamais loin de moi, réussissant son meilleur classement de la saison.
Allain, ça va mais il y en a d'autres qui souffrent !
Derrière, il y en a un qui s'amuse. JMF, le père de Bin', le meilleur ultra traileur de notre bande (GRR en 38 h !) se permet de musarder et même de s'arrêter discuter avec son fils auquel j'ai confié mon appareil photo.
Ah, le touriste !
Bien que courant souvent seul, je réussis à me motiver suffisamment pour boucler mes 9500m en 38'09.
Ça me paraît plutôt rapide ! La distance officielle était-elle bien celle annoncée ?
Bon, malgré l'absence de motivation, je réalise mon meilleur classement de la saison. Faut pô s'plaindre, d'autant qu'il y a du gâteau à la fin...
A bientôt pour le dernier cross de la saison en forêt de Silly... si la neige de la Raidlight Trail Trophy ne m'engloutit point !
Merci à Bin' et à Béa pour les photos du cross masculin
Par Le Lutin d'Ecouves - 16-01-2008 09:54:44 - 12 commentaires
Par Le Lutin d'Ecouves - 13-01-2008 13:46:12 - 8 commentaires
La Musique Européenne au Moyen-Age
Episode 4
Carmina Burana ! En voilà un nom qui me dit quelque chose ! Mais oui, j'ai entendu ça au départ d'un marathon. Un choeur grandiloquent qui pète, le genre de chose qui vous booste sévèrement.
Ben, ça c'est une oeuvre de Carl Orff (1895-1982). Sa partition la plus célèbre fut composée d'après les paroles se trouvant dans un manuscrit trouvé dans l'abbaye de Benediktbeuren en Bavière.
Ces chants intitulés "Carmina Burana" (chants de Beuren) étaient pour la plupart l'oeuvre de Goliards qui étaient de drôles d'énergumènes, c'est le moins qu'on puisse dire !
Page du manuscrit des Carmina Burana représentant la roue de la Fortune
qui abat les puissants et hausse les faibles
Les Goliards étaient des étudiants en théologie et des clercs à l'esprit libre qui n'hésitaient pas à brocarder et à parodier l'Eglise.
À la Saint Rémy par exemple, les Goliards allaient à la messe, en procession, chacun traînant sur le sol un hareng au bout d'une cordelette, le jeu étant de marcher sur le hareng de devant et d'éviter que son propre hareng ne soit piétiné.
Dans certaines régions, on célébrait la fête de l'âne, lors de laquelle un âne vêtu d'un costume loufoque était mené jusqu'au chœur de l'église où un chantre psalmodiait une chanson en louange à l'âne. Lorsqu'il marquait une pause, le public devait répondre "Hi Han, Sire Ane, Hi Han".
Bon, ça ne plaisait pas toujours à la hiérarchie comme en témoigne cette plainte de l'Université de Paris :
"Prêtres et Clercs ... dansent dans le chœur habillés comme des femmes ... ils chantent des chansons légères. Ils mangent du boudin noir sur l'autel lui-même alors que le célébrant dit la messe. Ils jouent aux dés sur l'autel. Ils encensent avec de la fumée puante provenant de semelles de vieilles chaussures. Ils courent et sautent à travers l'église sans rougir de leur propre honte. Enfin, ils conduisent des chariots et des carrioles usés à travers la ville et soulèvent les éclats de rire de leurs acolytes et des passants grâce à leurs représentations théâtrales infâmes remplies de gestes impudiques et de mots vulgaires et dévoyés.."
On savait s'amuser au Moyen-âge !
Le manuscrit des Carmina Burana est une compilation de 315 pièces réalisée entre 1225 et 1250 avec des textes en Latin, en Français et en Allemand. On y trouve des chants religieux (dont une "messe des joueurs" qui se célèbre en buvant et en jouant aux dés), des chants d'amour, des chants satiriques et des chansons à boire.
Certains des textes retrouvés en Bavière étaient accompagnés de neumes (notes) permettant une interprétation musicale. Voici une de ces pièces :
In Gedeonis Area
LES TRADITIONS SONT RESPECTEES
Par Le Lutin d'Ecouves - 07-01-2008 19:28:46 - 5 commentaires
Par Le Lutin d'Ecouves - 03-01-2008 16:31:20 - 4 commentaires
Par Le Lutin d'Ecouves - 01-01-2008 11:41:17 - 2 commentaires
Ce premier janvier est un jour faste pour ceux qui aiment la bière pression sans la fumée. Je dédicace ce texte de Solage (fin XIVème siècle) aux derniers malheureux qui s'accrochent encore à leur Tube à Mort.
Fumeux fume par fumee
Fumeuse speculacion
Qu'antre fummet sa pensee
Fumeux fume par fumee
Quar fumer soit molt li agree
Tant qu'il ait son entencion
Fumeux fume par fumee
Fumeuse speculacion
(Orthographe d'époque)
Le tabac n'étant pas connu en Europe à l'époque, Solage faisait, en fait, allusion aux rhétoriciens de son entourage.