KikouBlog de Le Lutin d'Ecouves - Février 2012
Le Lutin d'Ecouves

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Archives Février 2012

LA PLAGE IV

Par Le Lutin d'Ecouves - 29-02-2012 16:19:27 - 2 commentaires


« Osmose inverse ! Ça m’est revenu subitement. Tu sais, on connaît des choses mais on ne se souvient pas de tout. Et puis, de temps en temps, il nous revient des trucs qu’on devait savoir avant… »
 
Avant quoi, c’est le problème. Bertrand me regarde avec ses yeux de poisson. Il a vraiment l’air ahuri comme cela mais je le connais bien, il réfléchit intensément.
 
« Tu vois Zatopek, l’osmose inverse, c’est un moyen de dessaler l’eau de mer. On fait passer la flotte à travers une membrane semi-perméable qui retient le sel. Ça paraît facile mais, en fait, l’eau doit être chauffée et il faut exercer une pression telle que la dépense d’énergie est la plupart du temps rédhibitoire. En tout cas inapplicable avec les moyens dont je dispose ici.
- Ben oui, on peut dire qu’au niveau technologie, c’est succinct ici…
- Tu l’as dit et pourtant, j’ai trouvé la solution pendant une partie de jambes en l’air avec Aline.
- Ah tiens, ça a repris.
- Plutôt deux fois qu’une, mais là n’est pas la question. Je t’épargne les détails ; elle avait enlevé son short mais gardé sa tunique et on se roulait dans les vagues. Avec sa tunique, tu vois ?
- Quel humour !
- A un moment, elle était au-dessus de moi et sa fringue s’égouttait. Comme je haletais comme un vieux clébard, je me suis vite aperçu d’un truc qu’un tricoteur de panards comme toi aurait laissé filer : la flotte qui gouttait sur moi n’était pas salée. »
 
Ces tuniques étaient une énigme pour ceux qui avaient encore la chance de se poser des questions. Elles évacuaient la transpiration, avaient certainement des vertus antiseptiques, vu que je n’avais pas encore entendu parler d’infections, et avaient d’évidentes vertus thermorégulatrices. Bertrand, qui étudiait tout, avait essayé d’en démonter une mais n’avait trouvé aucune couture ; le tissu était moulé et de surcroît indestructible. Mais le plus étonnant, c’est que si on abandonnait une de ces tuniques sur la plage, elle disparaissait en quelques heures et réapparaissait dans notre chambre le lendemain matin ; ou plutôt sa jumelle. J’ai toujours soupçonné le fait que, chaque jour, la tunique était neuve car jamais usée ou sale.
 
« Mais t’as raison Zatopek, c’est jamais la même vu que j’en ai mis plusieurs de côté. C’était pas facile mais j’ai réussi à démonter des lattes du sol de mon bungalow. C’est pas du bois, tu sais. Eh bien, en dessous, c’est du sable. J’ai creusé et j’y ai fourré mes tuniques.
- Pour sûr, une friperie ici, ça va être utile !
- Mais idiot-bête, c’est pour mon grand dessein ! Ces tuniques ont des propriétés incroyables, elles dessalent l’eau sans chauffer et sans pression, de l’osmose inverse à froid ! Je vais continuer à creuser sous mon bungalow et y faire une réserve d’eau pure. Pas cette saloperie qu’on nous sert et qui nous fait ronfler moins d’une heure après le coucher du soleil. C’est pas pour moi que je fais ça, c’est pour toi et ta copine. Je vais bien trouver un moyen de stocker de la flotte en assez grande quantité pour que vous puissiez vous tirer d’ici. A propos, les galopades, ça marche avec Violette ? »
 
Bertrand a l’œil égrillard. Je ne relève pas mais je ne démens pas. Je préfère qu’il croie que moi et Violette… C’est plus simple et j’ai moins l’air d’un con.
 
******
 
Bleu lagon. C’est à ça que j’ai pensé quand elle est venue me trouver. Violette avait des yeux bleu lagon et je connaissais bien son regard pour l’avoir croisé pour la première fois lors de son arrivée.
 
Elle m’avait abordé il y a quelques semaines alors qu’elle n’avait plus sa coupe ni son air abruti de primo. Elle ressemblait encore à un garçon mais il y avait en elle une féminité blessée qui ne laissait planer aucun doute sur son sexe. Comme lors de cette première nuit, lors de sa « naissance », elle était… émouvante.
 
« Vous…, tu euh… étais là, c’est tout ce qu’elle bafouilla au début, je me souviens.
- Ben oui, je… c’est surtout mon copain Bertrand qui a eu l’idée mais… ben, je vais courir maintenant.
- C’est pour ça que je viens te voir, je veux que tu m’apprennes à courir. J’ai observé les autres, ils oublient, ils renoncent mais toi tu cours, tu vas loin…
-Tu parles, oui, je vais loin mais nulle part. Et puis il y a aussi Bertrand et lui, il n’a pas besoin de courir, c’est son cerveau qui galope.
- Apprends-moi… »
 
******
 
C’est comme ça que je me suis retrouvé entraîneur d’un bout de femme qui n’avait pas spécialement un physique à courir mais une détermination sans faille. Je l’avais maintes fois éprouvé lors de nos premiers entraînements.
 
Gêné d’avoir quelqu’un à m’occuper, j’avais commencé par des séances particulièrement dures pour une débutante. Je me souviens d’une matinée qui avait démarré par une longue séance d’endurance sur le sable  suivie par deux pyramides, ces séries où chaque fractionné est plus long que le précédent avant de redescendre la difficulté en sens inverse mais à des vitesses de plus en plus rapides.
 
A la fin de la première pyramide, Violette avait  le regard qui luisait. Ses poumons sifflaient. J’avais raccourci intentionnellement le temps de récupération et démarré la seconde pyramide en hurlant mes instructions, faisant se déverser des flots d’adrénaline dans le sang de ma partenaire.  Courant juste derrière Violette, scandant chaque tranche de dix secondes, percevant son souffle proche de la rupture, je sentis de minuscules gouttes frapper mon visage. Des larmes. Ses yeux bleu lagon brillaient de souffrance.
 
Violette perçut ma honte et mon envie de m’excuser. Elle attendit la fin de la séance.
 
« C’est dur, fit-elle le visage crispé, mais tu n'imagines pas ce que ça m’apporte. J’existe. Tu te rends compte, j’ai l’impression d’exister. »
 
******
 
Un couloir sans fin et des jambes en coton. J’étouffe d’angoisse quand je perçois ces ombres blanches qui tournent autour de moi. J’essaie d’accélérer mais je m’enfonce dans le sol…
 
Encore pire qu’à l’accoutumée ! Rien ne peut me mettre autant mal à l’aise que cette impression de ne plus pouvoir courir. Heureusement que j’émerge rapidement. En deux ou trois minutes, je retrouve mes esprits. Encore un jour ensoleillé. Comme d’habitude.
 
Bertrand est attablé au kiosque avec Violette. Un natif petit et rondouillard (ils sont tous comme cela aujourd’hui) est en train de les servir. Je m’assieds à leur table et commande mon petit déjeuner. Le natif me répond sur un ton neutre en employant cet étonnant idiome que tous comprennent mais qu’aucun résident ne peut articuler.
 
Bertrand est en train de narrer ses exploits sexuels à une Violette qui a appris à le connaître.
 
« Tiens, voilà le Zatopek ! Je cause d’entraînement à la gamine (rire gras) ! Alors, vous êtes au point ? Je veux dire, la Violette, elle peut aller loin ?
- Pas assez pour le moment mais elle me surprend. Cela dit, même si elle arrivait à mon niveau, sans eau on n’irait pas bien loin.
- De la flotte, j’en produis maintenant chaque jour, et de la pas droguée mon gars. Ça fait trois jours que je me prive de bière, que je ne bois plus la flotte des natifs et je me mets à faire des insomnies. On est sur la bonne voie, camarade. Quant à te bricoler un contenant, j’ai ma petite idée. Je suis retourné sur la plage cette nuit et j’ai revu un tube qui amène les primos. J’ai pu en déchirer un bout sans me faire voir et je l’ai testé. Il est imperméable. Imagine la distance que toi et Violette bien entraînée pouvez faire avec des litres de bonne flotte sans vous faire ramasser.
- Plus de deux cents bornes en quelques jours avec disons, dix litres chacun si on reste à un rythme modéré.
- Et alors, ce trou du cul du monde qui nous sert de Communauté, il est pas si loin de tout à ce point là !
- Ça…
- Et toi, Bertrand, intervient Violette.
- T’as vu comme je suis gros, gamine… et qui s’occupera d’Aline ? Ne vous en faites pas pour moi… et puis une fois « dehors » vous trouverez peut-être un moyen de me faire sortir ? Bon, de toute façon, j’ai pas encore résolu tous les problèmes techniques. Allez galoper, les bipèdes et laissez tonton Bertrand réfléchir. » Il nous tourne le dos ostensiblement.
 
******
 
En fin de matinée, mon compteur interne m’indique que nous avons couru une vingtaine de kilomètres sur le sable en moins de deux heures. Violette est vraiment surprenante.
 
« Tu sais, Zatopek (elle aussi m’appelle ainsi), Bertrand, quand on l’a quitté. Je crois qu’il pleurait...


I  II  III


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FIN D'UNE EPOQUE

Par Le Lutin d'Ecouves - 26-02-2012 17:44:00 - 8 commentaires

 
Ste Anne de Champfrémont
 
 
Dernier cross de l'année dans ce superbe site de Champfrémont. C'est aussi l’heure du bilan : depuis six longues années, j'ai le choix, en tant que V2, de participer au cross court (5 à 6 km) avec les V2 et V3 ou au cross long (8 à 9 km) avec les gamins allant de junior à V1.
 
L'habitude et un certain aveuglement m'ont jusqu'ici poussé à courir les cross longs pour montrer que moi, madame, je ne suis pas une mauviette ni un vieux kroumir ramolli.
 
 Si, si je suis sur la photo...
Photo Lydie et Christian
 
Comme à l'accoutumée, sur ce terrain particulièrement difficile, j'ai d'abord fait illusion.
 
 Photo Lydie et Christian
 
Puis il a fallu me rendre à l'évidence, je ne suis plus à ma place parmi des coureurs dont certains ont 38 ans de moins que moi. Le temps du choix est arrivé :
 
Photo Lydie et Christian
 
Bon, l'année prochaine, je fais les cross courts, c'est décidé.
 
 
Mon classement, j'en ris encore : 67/101

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LE LUTIN CHERCHE DES CROSSES

Par Le Lutin d'Ecouves - 20-02-2012 18:36:21 - 1 commentaire


Crosser :  abîmer, vilipender, dire du mal de quelqu'un ; se battre avec, chercher querelle... (argot du XIXème siècle).

 

 

 Si vous n'êtes pas lassés du cross, c'est ici que ça se passe.

 

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LA NUIT ETOILEE

Par Le Lutin d'Ecouves - 17-02-2012 11:43:02 - 5 commentaires


Une merveille !
 
 
Petros Vellis, un informaticien grec, vient de littéralement recréer le célèbre tableau de Van Gogh "La Nuit Etoilée" en utilisant Openframeworks, une bibliothèque de programmation artistique open-source.
 
On peut y voir  environ 80.000 particules dessinées comme des petites minimaps opengl qui se déplacent grâce à un algorithme de simulation de fluidité.
 
Mais là où Petros Vellis innove, c'est en utilisant une technologie du type Kinect développée pour Xbox permettant l'interaction du corps avec l'écran. Le résultat est aussi étonnant que poétique :

Musique informatique de Petros Vellis


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KARATE CAT

Par Le Lutin d'Ecouves - 14-02-2012 08:49:59 - 5 commentaires

 
 
 
Ça devait arriver, Socrate, mon petit-fils (oui, je sais, c'est un chat) a commencé les cours de self-défense avec son Papy. En attendant le Miaou qui tue, je lui ai appris le coup dans le pif, de quoi en allonger plus d'un. Les molosses n'ont qu'à bien se tenir !

 

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TRAINING IS TRAINING

Par Le Lutin d'Ecouves - 11-02-2012 07:53:43 - 4 commentaires


Ben oui, l'entraînement, c'est l'entraînement. J'ai décidé de faire une prépa de douze semaines en vue de participer au marathon de Nantes dans l'espoir de rester une fois encore sous la barre des 3h30.
 
Ce qui est bien avec le sport, c'est qu'il n'y a pas à réfléchir ; vous arrivez du boulot, vous prenez votre plan d'entraînement et vous lisez : jeudi footing 25'+2x5x400m à 95% de VMA et R=3' + 10'récup. Bon, on y va. On est jeudi, non ?
 
 
Le terrain est plutôt glissant en ce moment, je vais mettre des pompes qui accrochent : des Inov 8 pourvues de crampons.
 
Je descends la rue Cazault, rebaptisée rue Casse-Os depuis le début de la vague de froid. La vache, ça pince Monseigneur ! Le Buff sur les oreilles, c'est pas du luxe ! Cette nuit, il a fait moins 13 sur les collines.
 
La Fuie des Vignes, l'ancienne ferme de l'Hôtel-Dieu. On est à 400 m du centre-ville et pourtant à la campagne.
 
 
Chemin des Trois Cheminées puis friche de l'ancienne usine Moulinex ; j'arrive bientôt à la cité où mon épouse se livre au dressage des petits fauves.
 

Pas grand monde... les gamins du quartier préfèrent la télé à la neige ou quoi ?
 
 
Le parc urbain est aussi vide que la cité. Pas d’amoureux transis sur les bancs publics.
 
 
Arrivé à la Plaine des Sports, je me rends à l'évidence : pour les séries de 400m, c'est râpé. On ne voit plus la piste.
 
Il ne me reste plus qu'à me rabattre sur le Mont Daniel, la seule butte du terrain de cross.
 
 
 
C'est pas haut, ça se monte en vingt-cinq secondes et se descend en dix. Ça vous met les poumons en feu et vous donne envie de vomir. L'idéal pour remplacer les séries infaisables sur piste. Et c'est parti pour deux séries de six montées et descentes à fond la caisse.
 
 
C'est dans ces moments de solitude que je me demande parfois si je suis bien net. Tout seul sur un terrain glacé de plusieurs hectares, je grimpe en gémissant une piste enneigée puis je la descends à grandes enjambées, manquant à chaque fois de me vautrer. Je contourne la butte puis je recommence. Ce sont des fractionnés en côte, on les appelle ainsi car il faut n'avoir qu'une fraction de cervelle pour se livrer à des trucs pareils...
 
Le soleil est couché. En route vers la maison, je retrouve la Fuie des Vignes, l'estomac retourné, l'esprit vidé et les cuisses brûlées par le froid malgré le collant de course. Training is training, rien que du plaisir, je vous dis !
 
 
Scènes entièrement tournées en Sibérie Normandie.


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LE MOIS DU BLANC

Par Le Lutin d'Ecouves - 05-02-2012 19:55:09 - 4 commentaires

 

Dimanche 5 février 2012
 


On ne s'en lasse pas ! La neige en février, c'est comme un cadeau de Noël que l'on n'attendait pas. Un quart d'heure de route enneigée (c'est quoi un chasse-neige ?) et les Trailers d'Ecouves sont au rendez-vous à Radon.


Nous nous engageons sur notre sentier habituel, petit rebord longeant le déversoir de l'étang.


Les Trailers sont joyeux, on ne peut pas en dire autant de la famille de canards qu'ils rencontrent...


Ecouves, ça se mérite et il faut grimper sec pour en profiter.

 

Ma Josette et ses copines nous accompagnent un moment, appréciant le train de sénateur imposé par la neige.


Elles nous accompagnent jusqu'au carrefour du Rendez-Vous puis le groupe se scinde en deux.


Le rythme devient plus soutenu et il devient plus difficile pour moi de photographier et de courir. Je m'arrête dès que je vois un sujet intéressant et il me faut galoper ensuite pour retrouver les autres.


Il fait très sombre et la neige continue à tomber, j'ai bien du mal à faire des clichés satisfaisants. Je dois donc soigner les angles de vue.


Mon œil de Lutin reste aux aguets et j'observe ainsi les lourds membres des conifères fatigués avaler les chemins étroits...


...le demi-sommeil de l'eau dans le silence des ruisseaux ...


... ou ce jeune sapin qui semble se réchauffer au contact d'un chêne adolescent.


Retour vers Radon, le rythme se fait plus pressant, ça sent la bière !


Certains, plus primesautiers, se mettent à faire des niches à ceux qui les suivent.


Dernière sapinière avant Radon, les copains galopent.


Je finis par me retrouver seul avec le Fox qui prend les mêmes photos que moi mais presque vingt centimètres plus haut.


A proximité de Radon, nous retrouvons les filles : deux heures quinze de promenade, nous n'avons parcouru que 14 km.

Je passe la main dans mes cheveux et m'aperçois qu'ils sont raides, ils ont gelé. Je constate que je ne suis pas le seul dans ce cas...


Le printemps... c'est dans six semaines !

 

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NAGUÈRE, DES ÉCOLES - ÉPISODE 12

Par Le Lutin d'Ecouves - 04-02-2012 17:38:59 - 5 commentaires

 

Conférence pédagogique
 
 
Quand j’ai débuté ma carrière, le monde était moins administratif et le mot réunion était quasi inconnu dans le milieu enseignant en dehors des trois conseils d’école annuels où nous discutions de choses et d’autres avec les représentants de parents d’élèves. C’était généralement ennuyeux mais supportable car trimestriel.
 
Il n’en était pas de même lors de la « conférence pédagogique ». Ces jours-là, nous donnions congé à nos gamins (et les parents ne protestaient pas) pour nous rendre dans la grosse école de la circonscription dans le but d'assister à la messe dite par notre inspecteur. A cette époque, les inspecteurs étaient des hommes.
 
Cette journée sans enfant, c’était un peu comme un ballon d’oxygène. Les maîtresses mettaient leurs belles robes et leurs bijoux et les plus anciens maîtres leur cravate. Nous étions contents.
 
Contents, pas d’entendre rabâcher le catéchisme d’un nouveau ministre sûr que sa réforme à lui changerait quelque chose, non ; nous étions simplement contents de nous retrouver, nous qui vivions dans nos petites écoles de campagne sans revoir les collègues avec lesquels nous avions partagé deux ans d’Ecole Normale et parfois tissé des liens de camaraderie ou d’amitié.
 
C’est ainsi que, pendant que notre supérieur hiérarchique procédait à la lente distillation des alinéas des textes officiels, nous apprenions les dernières nouvelles quant à la naissance du petit dernier, les dernières vacances à la montagne ou les problèmes de santé d’untel. La vie, quoi.
 
Les inspecteurs n’étaient pas dupes et laissaient faire tant que les apparences étaient sauvegardées.
 
Généralement, une fois la matinée terminée, tout le monde se retrouvait pour un repas en commun que l’on faisait durer le plus longtemps possible, ce qui réduisait d’autant la conférence de l’après-midi.
 
Certains inspecteurs étaient plus renommés que d’autres en ce qui concerne  le repas du midi mais il y en avait un qui dépassait tout le monde.
 
Ce saint homme avait tôt compris qu’il n’était pas fait pour enseigner (comme tous ses semblables) et avait  opté pour le corps de l’inspection où il exerça de nombreuses années. Etant amateur de bonne chère et de bonne picole, il s’arrangeait toujours pour que les conférences qu’il dirigeait se situent à proximité d’un bon restaurant où il était reçu comme le Messie, réservant en semaine entre 50 et 80 couverts pour nourrir ses instituteurs. Bien sûr, il négociait un prix avantageux qui satisfaisait maîtres d’école et restaurateur.
 
Après une matinée de trois heures bien aérée par un café d’au moins une demi-heure, nous investissions l’établissement gastronomique dans lequel nous devisions joyeusement, échangeant souvenirs, nouvelles, ragots et même pratiques pédagogiques. 
 
Notre inspecteur choisissait bien son vin et l’ambiance devenait rapidement alcoolisée quoique convenable. Bien souvent, l’un de nous, ayant  été gratifié de quelques litres de calva par ses parents d’élèves reconnaissants, partageait avec les collègues ce bel alcool que l’on distillait encore dans les fermes.
 
Bonne nourriture, bons alcools, cela durait tant que je me souviens de repas se terminant à 15h30 suivis par une reprise brumeuse du travail qui, horaire scolaire oblige, devait de toute façon se finir à 16h30.
 
J’ai la remembrance d’une de ces fins de conférence lors de laquelle notre patron, qui tenait fort bien l’alcool, achevait de donner ses doctes instructions d’une voix digne et assurée à une assistance polie mais à l’œil vitreux.
 
L’un de nous, directeur d’une petite école à deux classes, proche de la retraite, était en train de s’assoupir dans son beau costume du dimanche. Comme nous étions assis répartis en un large cercle, chacun put voir ce bienheureux s’endormir comme un bébé repu. 
 
Les sourires se répandirent comme une traînée de poudre et, inévitablement, notre inspecteur s’aperçut de l’assoupissement du collègue situé non loin à sa gauche. Il se tut, goguenard… Grand silence.
 
L’interruption de sa berceuse pédagogique réveilla subitement le dormeur qui sursauta et ouvrit de grands yeux interrogatifs avant de prendre un air confus.
Léger rire de l’assistance ; l’inspecteur reprit son discours là où il l’avait laissé puis il nous donna congé, conscient que ce qu’il nous resterait de la journée, ce serait plus la composition du menu que celle du bulletin officiel de l’Education Nationale.
 
 

 

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NOUVEAU FEMINISME

Par Le Lutin d'Ecouves - 01-02-2012 09:17:01 - 2 commentaires

 
Entendu sur France-Inter ce matin :






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