Pour le commun des mortels, la Bretagne, c'est ça :
Trégastel
Oui mais les Lutins sont une espèce à part, quand ils vont à la montagne, ils voient d'abord les insectes (ICI, ICI et LÀ). Quand ils vont à la mer, ils voient d'abord ça :
A priori, de bêtes galets... En fait, un monde luxuriant plein de surprises. Sauras-tu, lecteur, cliquer sur la photo pour l'agrandir et compter les oiseaux. Allez je t'aide : trouve deux bécasseaux et quatre tourne-pierres.
Cette fin août, nous sommes allés faire notre trou de Lutin près du Sillon de Talbert. Pour les handicapés de la géographie, le sillon de Talbert est proche de l'île de Bréhat, dans la presqu'ile de Lézardrieux :
Document Google Maps
C'est un impressionnant cordon flottant de galets long de 3,2 km de long, c'est aussi une réserve naturelle appartenant au Conservatoire du Littoral. Par grande marée, à certains endroits, il fait moins de 20 mètres de large et il est prévu que d'ici quelques années, cette formation géologique récente se brise en plusieurs morceaux (il s'est formé après la dernière glaciation mais n'est devenu sillon à pointe libre qu'au XVIIIème siècle après une tempête qui l'a détaché des ilots d'Olonne situés environ 1,3 km plus loin). En attendant, une troupe de Lutins Maritimes garde jalousement mais courtoisement ce site Natura 2000 dans lequel il est strictement interdit de ramasser le moindre galet ou prélever la moindre plante. Normal.
Entre lutins, on s'entend bien et ils m'ont expliqué des tas de choses, entre autres pourquoi il est interdit de marcher sur certaines parties où nichent les gravelots dont les œufs se confondent avec les galets.
Ami lecteur, clique : je t'ai entouré en rouge le discret gravelot...
J'ai aussi appris qu'en cherchant à protéger le début du sillon par des enrochements, on avait aggravé la situation, la mer creusant ainsi plus profond et évacuant tout plus vite. J'ai eu un cours sur l'importance primordiale de la laisse de mer qu'on prend juste pour un tas d'algues mais qui grouille de vie (cela va des micro-organismes aux musaraignes en passant par les crustacés) et dont le rôle pour la survie du milieu est primordiale (c'est bien beau de herser les plages pour les nettoyer chaque matin en été pour le confort du cucul des touristes mais ainsi on détruit un écosystème et surtout, on prive les plantes des dunes comme les oyats de la nourriture apportée par le vent issue de la décomposition de la laisse ; résultat, à terme on tue la dune).
Mais il n'y a pas que les bébêtes vous savez, il y a les cailloux et ça, ce n'est pas ma spécialité mais celle de ma Josette qui, son petit Sony à la main, passe son temps à photographier rochers et galets en s'esbaudissant sur la beauté des formations rencontrées.
Josette au Paradis
(Les ilots d'Olonne)
Echaudé par les cours de géologie du collège, je n'ai pas au début été très chaud concernant la caillassologie mais après plus de quarante ans de vie commune, j'ai fini, par capillarité conjugale, par prendre goût à cette discipline à partir du moment où j'ai compris que tout ça c'était la même soupe constamment renouvelée que la nature nous sert et nous ressert ; j'ai même fini par distinguer grès et schistes et plus récemment granites et granodiorites. Et même que je hoche de la tête quand ma femme s'écrie "Regarde ce magnifique filon de dolérite !"
C'est vrai, c'est pas moche après tout
(Port-Blanc)
Bon, c'est vrai, vivre avec une passionnée de nature demande une certaine constance comme lors de nos balades en Vanoise où mon épouse s'arrêtait devant chaque fleur. Et des fleurs, il y en a des tas en juin ! Même que parfois, ça me donnait un peu chaud !
Pralognan
En ce qui concerne les cailloux, même topo, quand mon épouse est au milieu des roches, il faut savoir attendre et en profiter pour apprendre.
Port-Blanc
C'est comme cela que, cerise sur le gâteau, j'ai appris ce qu'était un orthogneiss icartien. Ortho quoi ? me direz-vous à moins que vous vous en fichiez comme moi il y a quelques années. En fait, un orthogneiss c'est en l'occurrence un ancien granite recuit par chaleur et pression et dont les cristaux se sont réorganisés (enfin, c'est ce que j'ai compris). Et alors ?
Photo de ma Josette
Port-Béni
Et alors, ces cristaux de feldspath roses, c'est très beau mais surtout ces roches donnent le vertige puisque leur origine remonte à l'Icartien, ce qui en fait les roches les plus anciennes de France : elles frisent les deux milliards d'années. Elles datent de l'époque où les terrains qui constituent nos régions se trouvaient au Pôle Sud (Il s'agit du même filon qui va du Cap de la Hague à la Bretagne en passant par les Iles Anglo-Normandes).
Deux millliards d'années ! Et moi qui me trouvait trop vieux... Finalement, la Géologie, ça me remonte le moral.
A part ça, la Bretagne, c'est aussi ça :
Bréhat
Et c'est beau...
Pour les spécialistes, un article sur les gneiss de Port-Béni : ICI.