KikouBlog de Le Lutin d'Ecouves - Juin 2018
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COURS TOUJOURS épisode 10

Par Le Lutin d'Ecouves - 21-06-2018 10:40:05 - 15 commentaires

Un ami


Simples connaissances du service militaire, ce n'est qu'aux alentours de la petite quarantaine que nous avons partagé nos foulées.

Je me souviens très bien de la première fois où nous courûmes ensemble lors d'une épreuve durant laquelle nous discutâmes de choses et d'autres pendant dix kilomètres avant qu'il ne s'envole vers le sommet de la forêt de Perseigne comme s'il lui avait poussé des ailes, me laissant ahaner au pied de la côte du Belvédère. Je m'étais dit que notre groupe, encore modeste à l'époque, avait gagné une fameuse recrue. Je ne m'étais pas trompé, j'avais introduit un sacré ver dans le fruit. Sa fougue sportive, sa robustesse et son endurance lui valurent bientôt le surnom de Mustang.

Issu d'une dynastie de serviteurs de l’État, Philippe est né avec un sens aigu du collectif et de l'organisation, c'est pourquoi il est tout naturellement devenu le "tour opérateur" de notre bande de coureurs. Grand dénicheur d'épreuves improbables, il nous trouvait toujours des courses aux noms bizarres et aux difficultés aussi épineuses qu'insensées. Nous étions au début de l'essor du trail et les nouvelles compétitions éclosaient avec la régularité des pustules sur le visage d'un adolescent tout comme leur longueur ne cessait de s'accroître à l'instar de... non, là j'allais dire une ânerie.

Grâce à lui, j'ai pu courir dans l'Aubrac en janvier, vidé par la gastro et congelé par la douche froide prise dans un gymnase sans chauffage à l'arrivée. Sans lui, je n'aurais pas découvert le bonheur de grimper le massif du Pilat dans trente centimètres de neige ou celui de relier St Etienne à Lyon de nuit par moins huit degrés. S'il n'avait pas été là, je n'aurais pas découvert qu'on pouvait mourir de froid à Roscoff au mois de mai avant de se tordre les chevilles sur des rochers hostiles recouverts d'algues visqueuses. Parfois, il suffisait qu'une course ait un nom rigolo comme "les Foulées de la Grotte à Jules" pour qu'il m'entraîne dans un coin improbable aux confins du Calvados et de l'Orne ou bien que le profil de la course sorte de l'ordinaire pour que je me retrouve à ramper dans des tuyaux boueux ou à escalader des bottes de paille comme à Hérouville. Vraiment, Philippe avait de bonnes idées.

Son inscription au forum Kikouroù fut déterminant dans la suite de nos pérégrinations et cela nous permit d’élargir considérablement le cercle de nos amis et surtout le mien, j'en ressens encore la douleur et ce n'est pas sans fondement. Je me demande d'ailleurs comment je peux encore marcher après toutes ces épreuves exotiques lors desquelles nous picolions puis courions puis re-picolions avec des furieux à casquette rouge. Avec eux, j'ai appris le sens du mot dénivelée que ce soit dans la Drôme, les Hautes Alpes ou dans le Gard où, anecdote, un jeune membre du site était venu nous toucher Philippe et moi pour s'assurer que le Mustang et le Lutin existaient vraiment.


Beaucoup des déplacements organisés par Philippe avaient lieu sur des laps de temps très courts, travail oblige. C'est comme cela que je me retrouvais souvent le lundi matin face à vingt-cinq élèves de CP pleins de vie alors que je n'avais pas récupéré d'une course de montagne faite la veille ni du voyage terminé en pleine nuit. 


Entre nous, ça a toujours été la guerre pour de rire et je me souviens avec émotion de notre combat épique en cross que je gagnais presque toujours alors que Philippe me ridiculisait bien souvent sur les longues distances. Les rôles ont toujours été bien définis : à lui le rôle de sportif sérieux, organisé, endurant et propre sur lui ; à moi celui de pitre nerveux, brouillon et agressif toujours prompt aux plaisanteries douteuses et aux remarques déplacées.


Plus de vingt ans ont passé, Philippe a intégré l'équipe dirigeante de notre club d'athlétisme puis en est devenu le président. Il a plus que sa part dans la renaissance de cette vieille institution alençonnaise dont il a  doublé l'effectif. Sans lui et sa valeureuse équipe, le niveau national n'aurait été qu'un vieux souvenir des années 70, sans lui et son dévouement d'ancien instituteur, notre belle piste de 400 m ne résonnerait pas des cris de dizaines de jeunes qu'infatigablement il coache et accompagne bien des weekends ici et là dans tout l'ouest de la France.

Maintenant que nous sommes à la retraite, nous avons pris des habitudes plus bourgeoises dans des hébergements plus confortables en compagnie de nos chères épouses. Nos plus récentes pérégrinations ne relèvent plus de la folie furieuse comme dans les années 2000 mais le Mustang m'a encore  récemment fait découvrir de nouvelles douleurs en m'initiant à la course de hamster lors du 24h de la No Finish Line de Paris.
 
Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve mais je ne peux que souhaiter que nous continuions encore un moment nos errances sportives de sexagénaires curieux et toujours avides de ce que peut apporter la vie.


Photo Denis Decaux


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